IFA 2014 : Compte-rendu 4ème partie, Blanc, gadgets et conclusion

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Il y a des IFA avec, et il y a des IFA sans. Cette année, il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que le salon n’est pas au mieux de sa forme, malgré l’ouverture d’un nouveau Hall de 12 000 m2 et quelques tendances intéressantes. Pourtant, il y a bien quelque chose qui cloche à Berlin cette année.

Dimanche 7 septembre, 19h30. Berlin. A l’entrée du bar pend un majestueux triplan rouge frappé d’une croix noire, menaçant de ses mitrailleuses à l’échelle un tiers les consommateurs qui s’aventurent à monter les marches vers le débit de boisson. Comme tous les ans en fin de salon, la petite équipe d’Ere Numérique se réunit au bar de l’aéroport international de Berlin, autour d’une Pils allemande bien fraîche, d’une limonade ou d’un bon kilo d’Apfeltruddel agrémenté de chantilly selon la personnalité de chacun, histoire de faire le point sur le salon.

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Qu’a-t-on vu d’intéressant ? Quel angle adopter pour synthétiser trois jours intenses de découverte technologique ? Quel est le point d’orgue ? Mais en cette fin d’édition 2014, les visages sont fermés, les mines sérieusement déconfites, et chacun ne souhaite qu’une chose : rentrer, au plus vite, et tenter d’oublier une édition qui pose plus de questions qu’elle n’apporte de solutions. Déjà, il faut tout de même bien admettre que cette année fut pauvre en innovations capable de vraiment changer la donne. On améliore ses TVs, on polit ses montres intelligentes, on rabote ses smartphones. Et après ? Il n’y a guère que l’Oculus Rift et sa déclinaison Samsung Gear VR pour déclencher un début d’étincelle dans l’œil du journaliste spécialisé le plus blasé. C’est sans doute la seule vraie innovation radicale de ce salon. Et encore, ça fait un an à la rédaction que l’on suit cela de près. Pour le reste, pas de quoi non plus crier à la révolution technologique et les mauvaises langues de dire déjà en off que les constructeurs limitent les frais avant les annonces d’Apple pour mieux copier par la suite. Mais c’est un peu mesquin. D’ailleurs le public ne semble pas franchement au rendez-vous non-plus. Il faudra attendre les chiffres officiels en fin de semaine, mais pour avoir bataillé avec le grand public sur le salon pendant deux jours, on peut dire que les rangs des visiteurs à 47 euros l’entrée sont plus que clairsemés. Pas certain que cette édition rassemble comme l’année dernière 245.000 personnes.

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Les conséquences d’un marketing débridé

Du reste, si l’équipe est fatiguée en ce dimanche soir, au-delà des longues journées à courir de stands en stands comme des poulets décapités et des courtes nuits berlinoises où dieu seul sait ce qui peut bien se passer, c’est aussi parce que la moindre tentative d’exercer correctement son métier de journaliste sur ce salon oscille entre le pathétique et le grotesque tant il est flagrant dans cette édition 2014 que les marques et le salon dans son ensemble considèrent la presse comme une sorte d’extension d’agence de communication, une espèce de moulinette à communiqué de presse, un dictionnaire des synonymes avec un certain penchant pour la formule. Déjà, toute une partie de la presse ne vient plus, se contentant de « couvrir » l’évènement sur la base des communiqués depuis le confort de leur bureau parisien. Mais quand on voit que les « journées presses » sont organisées alors que les stands ne sont pas finis, peut-on leur donner tort ?

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Faire des milliers de kilomètres en avion pour finalement suivre une conférence de presse retransmise de toute façon sur Youtube, sachant qu’il faut faire la file une heure à l’avance pour avoir une chance de rentrer, quel intérêt ? On a même vu des journalistes et blogueurs malheureux suivre une conférence à même le sol derrière la porte fermée. Où est l’information dans tout cela ? Certes, le salon ne se limite pas aux conférences de presse, c’est aussi l’occasion de découvrir les nouveautés sur les stands, du moins si on vous laisse y accéder. En effet, combien de stands décident au dernier moment de faire sauter les rendez-vous pour y intercaler un ponte lambda, faisant d’ailleurs parfois parti du même groupe que l’exposant ?! Et combien de chef produits à la connaissance technique hasardeuse bottent en touche dès que l’on aborde les sujets sensibles ? n’est-il donc point envisageable de récupérer autre chose que spéc/prix/date/photo/repeat sur ces kilomètres carrés de stand ? C’est de moins en moins certain.

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Et on a l’impression, puisqu’une bonne partie du ressenti d’un salon reste parfaitement subjectif, que cette édition marque un tournant en la matière et pas franchement dans la bonne direction. Du reste, s’il était omniprésent, le marketing n’était pas des plus inspiré sur le salon. Citons par exemple la marque qui vous dit que son produit santé connecté est « tellement beau qu’il vous donne envie d’être diabétique », ou encore cet autre fabricant qui n’a rien trouvé de mieux que de distribuer des bonbons promotionnel en forme de tablette de médicament aux gamins. Que penser aussi de cette agence de statistique qui affiche fièrement sur son poster : « Tracking consumer choices in more than 100 countries ? ». Nos choix de consommation, en plus de n’être plus vraiment les nôtres, sont désormais suivis à la trace. Et c’est devenu normal et on l’affiche ouvertement. Le dernier jour avant de partir, une gentille enquêtrice nous a demandé en substance ce que nous étions prêts à lâcher en terme de vie privée pour avoir le prestige d’utiliser un lave-linge ou un frigo connecté. Oui, vraiment, il est temps de rentrer, et d’oublier, en attendant mieux l’année prochaine…
Ce que l’on appelle le blanc dans le jargon des constructeurs ne peut plus faire abstraction de la technologie, et plus particulièrement de la connexion. Après des décennies sans évolution d‘usage majeure, les lave-linges, réfrigérateurs et autres plaques de cuisson se mettent au diapason des appareils électroniques. Il est vrai que remplacer les boutons innombrables à combiner pour obtenir le bon programme sur une machine à laver par un écran tactile avec des icônes évidentes à comprendre semble être une concession minimale à la modernité. Surtout que c’est une simplification qui permet plus de personnalisation car ensuite chaque programme peut se modifier finement, voire il est possible d’en créer d’autres sur son smartphone pour les transférer sur la machine. Par ailleurs, on se dit que finalement à quoi ça sert d’avoir un écran sur chaque appareil de la cuisine alors qu’une seule tablette ferait l’affaire et permettrait de baisser les coûts de chaque machine individuellement.

Pour autant, il ne faut pas partir dans le délire du tout connecté. Le réfrigérateur qui commande ce qui manque tout seul est plutôt une régression ergonomique car il faut scanner chaque produit en amont. A moins que dans un futur proche le frigo soit capable d’identifier par lui-même ce que l’on met dedans. La caméra qui permet de voir ce qu’il y a dans le réfrigérateur sans l’ouvrir représente en revanche une réelle avancée pour la consommation et le bien-être des aliments. C’est d’ailleurs au niveau de l’économie d’énergie que la haute technologie peut aussi avoir un effet bénéfique sur l’électroménager. De son côté, l’aspirateur robot fait des progrès également. Samsung a trouvé une solution pour qu’il soit à la fois silencieux et puissant, pouvant enfin remplacer le modèle traditionnel plutôt que de le compléter. Enfin, la domotique semble vouloir s’immiscer dans la cuisine ou plutôt intégrer l’électroménager au reste de ce qui est pilotable par un smartphone. Ces concepts de maisons entièrement pilotables fleurissaient sur le salon, notamment chez Samsung et Sony.

IFA 2014 : Haier œnologue

En électroménager connecté, on peut toujours compter sur Haier pour présenter des concepts innovants. Cette fois-ci, il s’agit d’une cave à vin dont la porte est un panneau LCD transparent. Cette technologie permet de voir ce qu’il y a dans la cave ou d’afficher des informations. Il est même possible d’adresser le panneau localement, soit de laisser transparent par endroits et d’afficher des informations à d’autres. Cela permet par exemple de montrer une bouteille et d’afficher les informations comme l’étiquette, la température de conservation à cet endroit précis, la durée de présence de la bouteille dans la cave, etc. Avec une application, la cave permet de gérer avec beaucoup de précision sa collection de bouteilles d’exception. Et si on en boit une ce qui est quand même l’idée, la cave peut chercher sur le Web la même au meilleur prix.

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Toujours dans la logique de l’affichage sur toutes les surfaces, Haier démontrait aussi qu’il pouvait afficher en surimpression sur quasiment toutes les matières. Ainsi, sur le réfrigérateur, il suffit de tapoter du doigt et les informations apparaissent. Ensuite, on peut modifier les réglages en tactile puis au bout de quelques secondes on retrouve la surface d’origine.

Moins élitiste et plus proche de nous et de notre quotidien, Haier montrait un lave-linge déjà en vente en Chine. Il se pilote par un grand écran tactile couleur. Il permet de choisir un des nombreux programmes mais aussi d’en modifier tous les paramètres plus facilement. Ensuite, il est même possible de créer de nouveaux programmes par une application et de les transmettre à la machine pour les ajouter.

_DSF8365.JPGPanasonic, cuisine magique

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Alors évidemment, avec un titre pareil, c’est difficile d’enchaîner. Et pourtant c’est vrai. Sur le stand de Panasonic, on pouvait effectivement voir une cuisine qui tenait plus de la magie qu’autre chose. Déjà, la cuisine dispose d’un placard réfrigéré.

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La plaque de cuisson intelligente à induction est déjà capable de peser toute seule les aliments et de les maintenir à une température voulue.

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On peut y connecter tout un tas d’accessoire comme ce grill à steak :

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Alors quel rapport avec la belle au bois dormant, me direz-vous ? Et bien la plaque à induction est capable de touiller automatiquement. C’est assez impressionnant.

Pas de quoi pour l’instant mettre les fées au chômage, mais elles devraient envisager sérieusement une reconversion.

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Chez Whirlpool/Bauknecht, la table de cuisson se mue en centre de commande numérique :

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Elle permet de centraliser les informations issues des autres objets connectés de la maison, comme la durée restante sur le sèche-linge. A terme, s’il est connecté au réfrigérateur, la table de cuisson peut aussi suggérer des recettes de cuisines basées sur les ingrédients en stock.

Au-delà de la bouffe, il permet aussi de gérer ses réseaux sociaux pendant qu’on fait cuire les pâtes : Facebook, Twitter, Pinterest.

C’est une innovation certaine, maintenant, il n’est pas certain que ça ne fasse pas double emploi… avec une tablette toute bête.
Sur le stand de Bosch, on a trouvé tout simplement la meilleure idée, toute simple, pour réaliser des économies d’énergies. Dans le frigo, deux caméras sont installées. Quand vous fermez la porte, juste avant que la lumière ne s’éteigne, une photo du contenu du frigo est envoyée à une application sur tablette. Comme ça, si plus tard, vous voulez savoir ce qu’il y a dans votre frigo, vous n’avez pas besoin de l’ouvrir. Simple et astucieux.

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Accessoirement, ça devrait aussi permettre d’identifier qui a bien pu piquer la dernière bière…
Il y a des aspirateurs robots tellement ridicules qu’ils servent surtout de moyen de transport pour votre chat un peu fainéant sur les bords. Et puis il y a le tank de chez Dyson.

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L’approche Dyson est radicalement différente de celle des autres constructeurs, comme toujours. L’engin est ici monté sur chenille, pour ne pas s’embourber dans la moquette.

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On retrouve le système d’aspiration cyclonique de Dyson, évidemment.

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Mais surtout, là où les concurrents font appels à de multiples capteurs, le robot exploite ici une caméra 360 montée sur le dessus.

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Elle permet de cartographier l’environnement sans caméra 3D, tout simplement en se basant sur les changements de perspectives liées au déplacement du robot. C’est une solution intelligente car l’appareil n’a pas besoin de cartographie. Il peut voir à chaque démarrage si les meubles ont changé de place, par exemple. Un capteur est toujours présent sur le bas pour éviter de tomber dans les escaliers. Le Dyson 360 Eye devrait être disponible chez nous début 2015. Pas de prix pour l’instant.
On a beau faire ce métier depuis une éternité, il y a toujours sur les salons ce moment fatidique où les nerfs (et les nerds aussi) finissent par lâcher. Etait-ce à la vue de cette magnifique édition vintage du Thomson MO5 « Michel Platini » que tout a commencé à basculer ?

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Ou était-ce quand on a rencontré Georges, qui nous promettait des nuits chaudes au détour d’un stand de produits textiles ?

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On ne sait plus vraiment. Mais toujours est-il que quelque part, dans ce week-end dantesque fait d’hectares de salon technologique et de nuits berlinoises trop étranges, quelque part donc, quelque chose a fini par craquer. C’est certain. Pour que trois hommes à peu près normalement constitués trouvent parfaitement acceptable de se faire tirer le portrait sur papier glacé dans un frigo géant avec du fromage et des légumes géants en mousse de polyuréthanne, il a bien fallu, à un moment ou à un autre, que quelque chose de sombre se soit passé.

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Et si vous regardez bien, derrière ces visages extatiques, on peut sentir le désespoir qui envahirait tout homme sain de corps et d’esprit s’apprêtant pourtant à sauter d’un taxi berlinois en marche, parce que le chauffeur fan de Johnny Hallyday entonne « Que je t’aime » sous le prétexte fallacieux que vous êtes français. C’est vrai, l’équipe d’Ere Numérique a bien fini par lâcher la rampe, moralement parlant. Mais à notre décharge, il faut que les gens comprennent que psychologiquement, rien, absolument rien, ne nous a été épargné. Car oui, messieurs, nous avons été interpelés en plein couloir par l’homme raclette de chez Karscher.

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Oui, madame, on nous a présenté le spectacle étrangement hypnotique de cafetières en lévitation magnétique dans leur bocal en plexiglas :

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Et oui, enfin, on le confesse, on est resté des heures durant devant l’écran chute d’eau de chez Gorenje.

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Tout cela nous a sérieusement secoués. Mais on aurait pu passer outre, surmonter l’obstacle en piochant dans nos maigres ressources intellectuelles déjà rudement mises à l’épreuve. Mais rien ne pouvait nous préparer à la visite du pavillon/tente Taiwanais surchauffé et sa succession sans fin de micro-stands où même les tauliers n’y croient plus. A la réflexion, c’est vraiment là qu’on a vraiment touché le fond, assez littéralement d’ailleurs, avec cette micro-caméra pour canne à pêche.

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Ou encore cette réplique des plus exactes de l’Oculus Rift, qui s’est finalement avéré être une boite en plastique dans laquelle on glisse son smartphone pour jouer à des jeux dépassés. Aucune reconnaissance de mouvement, rien, c’est juste un casque de vision stéréo en plastique.

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La société n’a tellement pas honte de sa source d’inspiration qu’elle a même utilisé des visuels Oculus Rift mal photoshopés sur sa brochure. On a fui. On a cru trouver l’amour, un moment, avec ce set de batteries rechargeables pour elle et lui (ou pour lui et lui, ou elle et elle, enfin faites comme vous voulez), en forme de « cœur avec les mains », comme on dit désormais sur les réseaux sociaux.

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Mais non, finalement, on essayait juste de nous vendre des trucs improbables, assez maladroitement d’ailleurs. Dernière solution, la fuite en avant, à corps perdu…vers le rayon électroménager, sur les stands cossus des fabricants du « blanc », comme on dit dans le métier. Hélas, l’étrangeté nous attendait de pied ferme là aussi. On a esquivé assez adroitement le frigo Tron de chez Liebherr.

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On a réussi à ne pas tomber à genou, poussant un hurlement de désespoir footballistique « Sochaux Champion !!! » devant ce frigo FC Barcelone.

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Mais c’était pour mieux chuter, devant une porte de frigo Inception en trompe l’œil dont quelqu’un semble sortir comme par sorcellerie. Alors on a prié pour qu’un jour, on n’ait pas au sein de nos foyers à affronter l’angoisse électroménagère absolue, le jour où, peut-être un peu pompette, il faudra bien recharger la fine équipe en bibine réfrigérée tout en se demandant si on ne va pas ouvrir un portail vers une dimension des plus hostiles.

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Pour finir, on s’est posé dans un bar, traumatisé par tant d’épreuves, en se posant honnêtement la question : pourquoi diable Amazon voulait se lancer dans l’ouverture d’un pastiche propret de taverne berlinoise ?

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Les Plus

  • Enfin une interface bien pensée
  • Plus d’applications
  • Bel écran

Les Moins

  • Autonomie
  • Pas encore d’usages évidents
  • Design médiocre

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