Test Hatred

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Je ne pensais pas que ça m’arriverait un jour. Je trouve qu’un jeu est scandaleux. À 44 ans, suis-je en train de tourner vieux con ou bien un cap a-t-il été franchi dans la violence – puisque c’est bien de violence qu’il s’agit avec Hatred – évidemment gratuite.

Je ne pensais pas que ça m’arriverait un jour. Je trouve qu’un jeu est scandaleux. À 44 ans, suis-je en train de tourner vieux con ou bien un cap a-t-il été franchi dans la violence – puisque c’est bien de violence qu’il s’agit avec Hatred – évidemment gratuite.

Le jeu le plus débile auquel j’ai pu jouer

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J’avais trouvé Duke Nukem Forever con comme la lune, vulgaire mais pas plus violent qu’un autre FPS.

J’avais trouvé les deux premiers GTA puérils plutôt qu’anti flics.

J’avais trouvé Carmageddon vraiment fun et politiquement intéressant et incorrect.

C’était clair, j’allais défendre les jeux vidéo jusqu’à la fin de mes jours, je trouverai toujours ces polémiques stériles et dans l’ensemble inintéressantes, faisant simplement mousser tour à tour des associations familiales, des politiques, des avocats, des réacs de tout bord, se faisant ainsi une publicité pas trop chère sur le dos des éditeurs de jeux.

Je défendrai bec et ongle Spec Ops The Line, ce titre proposant des images à la limite du supportable mais véhiculant justement un message anti-guerre. Hatred est à l’exact opposé de Spec Ops. C’est le jeu le plus débile auquel j’ai pu jouer depuis que j’ai mis la main sur une manette, il y a bien 35 ans. C’est tellement débile que je ne sais pas encore si je vais vous parler du jeu ou de l’écœurement qu’il suscite. En général, j’ouvre un test par un bout de scénario. Ici… Comment dire ? Hein, un scénario ? Oui, dans les jeux, ça se fait. C’est pas mal, c’est utile. Parce que dans Hatred, le scénario se résume à
une cinématique de 30 ou 40 secondes dans laquelle le héros nous explique qu’il n’aime pas les gens.

Donc, il sort les armes et va butter tout le monde en ville. Voilà, ça, c’est fait. Scénario expliqué dans sa totalité. Dans The Witcher 3, chaque mission, chaque expression du visage a du faire l’objet de litres de sueur, de doute, d’interrogations de la part des développeurs. C’est désespérant. Que vous voulez-vous. Dans les jeux vidéo, il y a donc The Witcher 3 ou Hatred de la même manière qu’en
philosophie, on a Michel Onfray ou BHL.
Il suffisait d’un rien pour qu’Hatred ne soit qu’un mauvais jeu ; ah oui, en plus d’être un jeu scandaleux, Hatred est très mauvais. Un bon vieux prétexte d’épidémies de zombis et le jeu serait retourné à l’anonymat qu’il n’aurait jamais du quitter. Sauf que là, on incarne un sale type qui tire sur tout le quartier. Mais ça, ça passe encore. Le problème, c’est que pour reprendre de la vie, le héros doit achever des blessés au sol, qu’ils soient flics ou civils. C’est le seul moyen : pas de trousse de soins réparti dans le niveau, pas de fée qui insufflerait de l’énergie au héros, pas de drogue pour oublier la douleur et continuer le massacre. Déjà, au niveau réalisme médical, c’est difficilement explicable – les zombis évoqués plus haut auraient été finalement plus plausibles – mais putain, qu’est qu’ils ont comme yaourt dans la tronche ces développeurs pour insérer à leur jeu cet élément de gameplay ? Ouate ze fuque, comme disent les jeunes.

Des exécutions qui s’enchaînent

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La question que je me pose, je ne sais pas si la communauté des joueurs se la pose, c’est la suivante.

Aurai-je eu la même réaction, une réaction aussi hostile, avant le 7 janvier. Non, je ne cherche pas à tout mélanger. Je ne pense même pas à Charb, Cabu, les autres mais à une image qui me dégoute. Je pense qu’on l’a tous vue. Il s’agit de celle d’Ahmed Merabet, gisant sur le trottoir sans défense devant les frères Kouachi avant de se faire abattre froidement, lâchement par ces salopards. Cette séquence, on y a droit dès qu’il faut reprendre de la vie. Le héros fait exactement la même chose. Oh, certes, il y a quelques variantes, ça change, parfois, l’achèvement se fait à coup de couteau, parfois à coup de flingue ou de fusil ; parfois la victime est sur le dos, parfois sur le ventre. On est cependant dans des positions qui ne me font penser qu’à ça, cette exécution sur le sol parisien. Le jeu nous propose d’incarner le même genre de lâche.
Bien évidemment, les auteurs n’ont pas développé ce jeu en cinq mois et quand ils inventent cet élément de gameplay, c’est au début du projet, il y a longtemps, il n’y a aucun doute là-dessus. La vraie question que l’on peut se poser c’est donc : est-ce que ce jeu tombe à un très mauvais moment ou aurait-il déjà été borderline le 6 janvier. Bien évidemment qu’il aurait été déjà contesté avant les attentats de Charlie. Et ce n’est probablement que moi qui superpose les images de ce jeu et celles de Merabet.

Mais pourquoi ce type d’images ? Je pense que la démarche de ces développeurs est à peu près la même que celles de la liste des opposants aux jeux vidéo cités plus haut et répond à une seule nécessité : comment faire parler de nous ? Je n’ai même pas eu envie de chercher sur le net des interviews de leur part. Immanquablement, ils se réfugieront derrière la liberté d’expression, des choses de ce genre. Bon Dieu mais quand on a un scénario aussi navrant, comment peut-on invoquer la liberté d’expression ? Hatred est indéfendable. Je peux même adhérer au concept de violence gratuite, provoquant des images dégueulasses. Mais pas ça, tout sauf ça.

Destructive Creations a placé son talent dans des eaux de caniveau

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Je ne vais pas hurler avec les loups qui réclament habituellement la tête des jeux vidéo, en disant que la jeunesse risque d’être influencée par ce genre d’images et que ça peut faire basculer. Ce genre d’argument est une totale ineptie. Je ne vais donc pas traiter les développeurs d’irresponsables. En réalité, j’ai énormément de pitié pour eux. Ils savent programmer et ils ont été au bout d’un projet,
aussi nul soit-il. C’est déjà quelque chose. À côté de ça, un type comme Notch a créé Minecraft. Les mexicains de Squad ont proposé un jeu qui permet à ses utilisateurs de connaitre les contraintes de la gravité et des orbites comme s’ils travaillaient à la NASA. Les frères Houser ont révolutionné la narration des jeux vidéo. Donc, avec des compétences plus ou moins similaires qui permettent d’aller au bout d’un projet, Destructive Creations a tout simplement placé son talent dans des eaux de caniveau. Je ne vois pas comment ils pourraient être fiers d’eux.
Je ne comprends même pas comment un jeu puisse me mettre dans cet état d’agacement. Un jeu est bon, on en parle, un jeu est médiocre, on en parle, fin de l’histoire. Ici, la médiocrité du gameplay s’efface derrière l’odeur de souffre que véhicule le jeu en permanence.

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Hatred Win64 1 100x70 - Test Hatred

2/10

Les Plus

  • Environnement destructible ; c’est même parfois exagéré

Les Moins

  • Exécution sommaire d’innocents
  • Unreal Engine 4 ? On a du mal à l’identifier.
  • Image parfois peu compréhensible.

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