Tidal à l’essai : l’offre qui Flac pour ne pas devenir un Flop

Avec cette énième offre de musique en ligne « sponsorisée » par quelques pointures de la scène musicale internationale, Tidal espère rafler gros. Reste à savoir si les consommateurs seront sous le charme ou sous l’eau ?

En 1991, Sylvester Stallone, Bruce Willis, Demi Moore et Arnold Schwarzenegger unissent leurs notoriétés et leurs fortunes pour inaugurer les restaurants Planet Hollywood dont le principe est simple : proposer des restaurants thématisés autour du cinéma et dont la décoration exploite des éléments authentiques de tournages de films à succès (accessoire, costume, maquette, etc.). C’est à peu près la même idée que l’on retrouve aujourd’hui avec Tidal, un système de streaming musical à la demande avec abonnement, initié par le rappeur américain Jay-Z, entouré de Madonna, Daft Punk, Kanye West, Alicia Keys, Beyoncé, Nicki Minaj, Usher ou Arcade Fire : des mammouths dans leurs secteurs respectifs !

Touche pas au grisbi S…

Inauguré en grandes pompes le 30 mars dernier, Tidal existe pourtant depuis 2014, date à laquelle la société Aspiro lance son service en Suède grâce à des partenariats avec des majors et des labels indépendants. Fin 2014, Project Panther Ltd., une société détenue par Jay-Z, rachète Tidal pour la somme de 56 millions de dollars, avec la volonté d’offrir un nouveau service de musique en ligne qui remettra les artistes au centre de l’échiquier. Pour s’assurer de la réussite de son entreprise, Jay-Z fait appel à ses amis, dont certains deviennent actionnaires de l’entreprise « nouvellement » créée, leur popularité servant de vitrine de luxe.

Pour expliquer le pourquoi de Tidal, Alicia Keys – en maîtresse de cérémonie de la soirée – expliquait que l’objectif était de « modifier le statu quo afin de rendre sa valeur à la musique, et créer une place où les artistes et les fans pourraient marcher main dans la main. Tidal s’emploie à entretenir une industrie qui promeut la santé et la pérennité de notre art et de notre secteur à travers le monde. » La déclaration d’intention est faite, mais que trouvons-nous derrière ? En premier lieu rappelons un chiffre, qui permet sans doute de comprendre le pourquoi « réel » de Tidal : si nous prenons un service comme Spotify et ses 15 millions d’abonnés par exemple, il reverse entre 0,006 et 0,0084 dollar par chanson streamée, autant dire que pour atteindre un salaire décent, il faut en faire écouter des titres ! Sauf qu’ici, tous les artistes concernés sont déjà millionnaires et les revenus du type Spotify viennent simplement s’ajouter à leur montagne d’argent.

C’est donc plutôt pour les indépendants et les artistes moins en vue que le système n’est pas si équitable et intéressant. Et la promesse de Jay-Z est justement de changer ça et de permettre aux artistes, à tous les artistes, d’exister en reprenant leurs « affaires » en main : « C’est une plateforme qui appartient aux artistes. Nous savons tous que le système actuel est injuste envers eux. Il est normal d’être rémunéré pour son travail. La musique est partout, tout le monde en consomme tous les jours, partout. Celui qui est à l’origine de cette création doit être rémunéré, ce n’est que justice : lorsque la marée monte, tous les bateaux montent ! ». Formule choc, parterre de stars, volonté de remettre l’artiste au cœur du système, tout contribue à faire de Tidal une belle idée sur le papier. Mais qu’en est-il de la réalité ?

Tidal of Fame

Une fois la présentation passée, avec une Madonna avachie sur une table pour signer un « contrat » et devenant la risée du web, le moment est venu de passer aux choses sérieuses. Tidal propose deux formules qui reposent sur le même principe que la concurrence de type Deezer ou Qobuz : vous payez un abonnement mensuel qui vous donne droit à une bibliothèque musicale de 25 millions de morceaux (aucun indépendant) à ce jour et surtout 75.000 clips vidéo en qualité HD, ce qui est un premier atout.

Les formules disponibles se distinguent par leur prix respectif, et logiquement le contenu associé qu’elles offrent. Pour 9,99 €/mois, vous aurez un service classique (codec et débit non précisés), simplement baptisé TIDAL Premium. La seconde offre grimpe à 19,99 €/mois (!) et met à disposition, sous l’appellation TIDAL HiFi, du streaming lossless en authentique qualité CD, soit en FLAC à 44,1 kHz sur 16 bits. C’est l’argument massue de Tidal puisque le FLAC n’entraîne, théoriquement, aucune perte audio. Si Jay-Z souhaite mettre en avant l’aspect exclusif de cette offre, justifiant son prix très élevé par rapport à la concurrence, il est bon de rappeler que Qobuz et Deezer Elite ont eux aussi à leurs catalogues du streaming au format lossless avec une qualité CD.

Dès lors ce tarif, jugé prohibitif par la plupart des utilisateurs et des observateurs, peine à légitimer son existence d’autant que le catalogue est loin d’être éclectique, qu’il est impossible d’enregistrer hors connexion les vidéos, et que la question de la rémunération des artistes est restée absente des débats, Vania Schlogel, l’une des responsables de Tidal, évoquant des « royalties plus importantes que celles versées par la concurrence ». Circulez, y’a rien à voir !

Le ventre de la bête

Une fois que nous avons dit tout cela, il reste à savoir ce que la bête a dans le ventre, car au final ce qui intéresse les utilisateurs (et possibles futurs abonnés) c’est de savoir s’ils en auront pour leur pognon, et ça coûte beaucoup de pognon : contrairement aux autres services du même acabit, Tidal ne propose aucune offre gratuite, financée par la publicité. Passée la période de 30 jours d’essai durant laquelle vous pouvez résigner à tout moment, il faudra donc passer à la caisse pour profiter de Tidal.

Parmi les bonnes surprises du service, et nous l’avons déjà souligné, il y a les formats FLAC et ALAC qui, sans rivaliser avec le « Hi-Res 24-Bit » de Qobuz tout bonnement impressionnant au niveau qualité sonore (pour qui est équipé), se révèlent très convaincants. À noter que si les débits ne permettent pas de profiter de la HD (ou si le morceau n’est pas disponible sous ce format), vous aurez droit à du AAC (320 kb/s).

Du côté de l’ergonomie, pas de grosse déception, ni de vraie surprise. Tidal est dans la norme du marché du streaming avec une présentation et des fonctionnalités classiques (recherche catalogue, téléchargement en local pour écoute hors ligne, playlists). Se promener dans les menus et exploiter les outils est donc assez simple et basique, et ce tant sur la version web, que sur les smartphones et tablettes sous Android ou iOS, les deux systèmes étant supportés. Mention spéciale à la petite roulette qui permet d’avancer ou de reculer dans un morceau, très pratique sur les petits écrans.

Outre le fait qu’aucune offre gratuite ne soit mise à disposition – le positionnement Premium de Tidal expliquant ce choix – c’est véritablement la variété du catalogue qui est à remettre en question. Si la quantité de titres n’est pas condamnable (nous avons presque autant de morceaux que sur Qobuz par exemple), c’est surtout la palette des possibles qui pourrait détourner bon nombre d’utilisateurs puisque la scène underground et les labels plus confidentiels ne sont clairement pas assez représentés (sans être totalement absents). Autant dire que les 30 jours d’essai ne seront pas de trop pour vous assurer que le format audio « HD » et le catalogue répondent bien à vos attentes avant de franchir le cap du paiement.

Quoiqu’il en soit, Tidal repose tout de même sur une offre logicielle qui tient la route et un catalogue intéressant mais qui devra rapidement s’étoffer pour pleinement s’imposer. Mais encore une fois, Tidal vise une approche Premium et s’adresse à un public précis qui a d’autres critères de sélection (technologiques principalement) que la profusion d’artistes tous azimuts.

Tidal : Qui vivra…

Au final, le lancement de Tidal laisse un goût d’inachevé. Lorsque nous repensons à Alicia Keys face à une salle où les applaudissements étaient tellement discrets que nous avions du mal à percevoir l’enthousiasme débordant qu’elle voulait bien nous vendre, nous sommes conscients que l’industrie et le public peinent à saisir la démarche à ce stade. Mais Alicia Keys a affirmé, comme pour se convaincre, que « nous pensons que c’est dans l’intérêt de tous, fans, artistes et professionnels du secteur, de préserver la valeur de la musique et d’assurer sa santé et sa robustesse pour les années à venir ». Pour l’heure, beaucoup ont le sentiment que c’est surtout la santé et la robustesse des comptes bancaires de ces Titans de la musique qui seront assurés pour les années à venir. Mais attendons de voir comment Tidal va évoluer dans les prochains mois. Peut-être que l’idée de base parviendra à s’imposer réellement, soutenue par une technologie pour l’heure convaincante, permettent à Tidal de devenir le service qu’il aspire à être…

0/10

Les Plus

  • Puissant
  • Bon écran
  • Qualité des photos

Les Moins

  • Pas encore d’Android5
  • La couleur ne plaira pas à tout le monde
  • Sortie audio un peu faible

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