Photokina 2014 : de nouveaux enjeux
Le rideau vient de se baisser sur la Photokina 2014, le plus grand salon photographique au monde qui a lieu tous les deux ans en Allemagne. Les constructeurs y présentent leurs dernières technologies dans le domaine des appareils photos, des caméscopes et de l’impression. Cette année, la Photokina a drainé encore plus de 1000 exposants et 180 000 visiteurs mais l’ambiance générale n’était pas au beau-fixe.
Avec une perte en valeur de 28% sur les appareils photos numériques au premier semestre 2014 par rapport à la même période de l’année précédente, certains constructeurs affichaient un sourire de façade. Et on les comprend. Si on considère le marché des compacts qui représentait la majorité des actes d’achats au premier semestre de l’année, il ne constitue en fait que 13% du chiffre d’affaire du secteur en Europe. La principale raison de cette érosion est due à la concurrence des smartphones. Intelligents, connectés et capables de prendre des photos de la vie de tous les jours avec efficacité puis de les partager, ils ont pris une place prépondérante dans notre façon de faire des photos. Les smartphones ont le vent en poupe et ça se ressent sur les stands. On le voit d’ailleurs avec Panasonic qui présente un appareil photo totalement inattendu et à la frontière entre les deux mondes, le Lumix CM1. Il s’inscrit dans une tendance de l’hybridation entre appareil photo et connectivité.
Justifier l’appareil photo
Par ailleurs, il est intéressant de constater que les appareils photos proposés sur des tranches de prix supérieurs et qui offrent des fonctionnalités plus poussées ont vu leur part de marché augmenter, jusqu’à plus de 27% en Europe ! Et nos errances entre les stands sont là pour nous le confirmer, on assiste à une véritable montée d’expertise de la part des constructeurs. Samsung que l’on n’attendait pas sur ce segment, dévoile un NX1 pétrit de fonctionnalités prêtes à séduire l’amateur avancé voir le semi-pro. De la même façon, chez Panasonic l’arrivée des Lumix LX100 et la montée en gamme du Lumix GM1 pour un GM5 illustrent aussi cette tendance. Là aussi, il y a de quoi se réjouir malgré tout, puisque le seul segment en véritable croissance est celui des hybrides. Fujifilm fait un carton plein avec son X-T1 et l’annonce de ses deux nouveaux modèles les X30 et X100T permet au constructeur de rester concurrentiel sur ce segment. Petite déception au passage, Sony qui nous a pourtant gâtés cette année avec des annonces en nombre et une montée en gamme très nette ne présentait rien de notable si ce n’est un objectif zoom grand angle.
Une nouvelle approche
En fait, ce qu’il y avait de particulièrement intéressant lors cette Photokina 2014 c’est de constater combien le marché de la photographie numérique avait mûri et venait asseoir sa légitimité. La plupart des constructeurs présentent une gamme et des services à même de satisfaire un client s’inscrivant dans un système pérenne. Le smartphone serait donc l’appareil photo connecté que l’on a sur soi en permanence pour s’amuser et les hybrides, compacts experts et reflex sont des appareils dans lesquels on investit pour faire de la photo. A force d’annoncer tous les trois mois qu’un boîtier est remplacé par un autre, les constructeurs se sont un peu mordus la queue. En jouant le jeu de la concurrence sans innover véritablement et en laissant le smartphone prendre la place du compact d’entrée de gamme, le public s’est lassé et se retrouve un peu perdu. Ceux qui s’intéressent à la photo en tant que telle veulent de l’usage, du plaisir, des sensations et pas simplement des gadgets en plus. Plus que la célébration d’un marché en berne, cette Photokina 2014 est pour nous l’illustration d’un renouveau photographique et d’une redistribution des enjeux.En direct de la Photokina à Cologne, nous avons pu prendre en main le très attendu Canon 7D MKII, nouvelle itération et remplaçant du vénérable 7D premier du nom. Outre une fiche technique très alléchante pour les photographes de sport ou de photos animalières le 7D MKII est une évolution intéressante qui permettra aux possesseurs de la première version de remplacer leur boîtier s’ils n’étaient pas passés au 6D ou 5D MKIII. Il embarque donc un capteur de APS-C de 20 Millions de pixels, un pentaprisme 100% et surtout un nouveau module autofocus avec 65 collimateurs croisés dont le central est sensible jusqu’à -3Il hérité du 1DX. L’obturateur est capable de monter jusqu’au 1/8000s et de photographier à la cadence de 10images par seconde. Pour enregistrer les données le 7D MKII a recours à deux slots l’un SD, l’autre CF. Au niveau de la connectivité on notera la présence d’une prise USB 3.0 et surtout d’une prise casque et micro, ce qui ravira les amateurs de vidéos, bien qu’il ne filme qu’en Full HD 1080p 60 images par seconde. En revanche le Wi-Fi reste absent ainsi que le tactile sur un écran qui lui aussi reste fixe. Notre première prise en main se révèle enthousiasmante mais il faudra confronter le 7D MKII aux réalités du terrain. Il semble qu’il soit pour le moment plus approprié de parler d’évolution plutôt que de révolution, à suivre donc !
On attendait depuis longtemps un compact expert dans la lignée des Canon S110-S120 avec un capteur plus grand. C’est désormais chose faite avec l’arrivée de ce petit nouveau Canon G7X. Il embarque en effet un capteur 1pouce de 20 Millions de pixels, dérivé certainement du capteur Sony. Sur le Canon il sera secondé par le processeur Digic 6 lui permettant d’engranger les images sur une cadence de 6,5 images par seconde sans autofocus et 4,4 avec et de monter jusqu’à 12800ISO. Si à cette sensibilité la qualité d’image risque d’être très en retrait, sur une plage d’utilisation plus standard on peut s’attendre à un excellent rendu des détails car le 24-100mm f/1,8 -2,8 est prometteur d’autant plus que l’on compte neuf lamelles pour un flou d’arrière-plan plus crémeux. A l’arrière vous trouverez un écran tactile et orientable de 7,5 pouces affichant 1,04 millions de points et un autofocus sur 31 collimateurs. Évidemment le Wi-Fi NFC est de la partie mais au niveau de la vidéo on oubliera toute connectique et on se contentera d’une suffisante Full HD 1080p 60images par seconde. Évidemment on adore ce genre de boîtier mais vraiment dommage que Canon n’ait pas d’emblée pousser le concept avec un viseur intégré…
Mais ce n’est pas tout, ce boîtier très attendu de la part des possesseurs de LX et autres aficionados de photographie de qualité se situe sur un secteur concurrentiel ou les spécificités techniques règnent en juge de paix. Panasonic y répond en intégrant un capteur 4/3 de 16 Millions de pixels ! Lors de cette première prise en main, notre sentiment est très positif. Le boîtier est compact, léger, l’autofocus est à la hauteur des dernières productions de la marque et surtout le couple optique-capteur semble prometteur en basse lumière. Il est enfin possible de porter un LX à l’œil et le viseur est bien intégré. Dommage évidement de ne pas avoir intégré un écran tactile monté sur rotule mais les sensations photographiques sont bien là. Pour se faire plaisir en vidéo le LX100 embraque aussi la 4K. Bref, on a hâte de le tester sur le terrain !
On continue notre découverte des stands avec toujours Panasonic qui présente le Lumix GM5. Excellente nouvelle puisque avec ce boîtier Panasonic fait monter en gamme son GM1 lequel reste au catalogue. Véritable coup de cœur de l’année précédente je trouvais qu’il manquait simplement un viseur et une griffe flash pour que ce boîtier s’approche de la perfection. De la même façon je trouvais la petite roue codeuse à l’arrière un peu trop souple et ai toujours préféré les molettes de pouce pour changer l’ouverture par exemple. J’en ai donc rêvé, Panasonic l’a fait : tous mes vœux sont exaucés. C’est bien simple, je n’ai pour le moment rien à reprocher à ce boîtier. Évidemment il ne conviendra pas à tout le monde et d’aucuns réclameront un écran orientable voir des connectiques plus poussées en vidéo, mais à ce niveau de compacité-prix les spécificités sont largement suffisantes. Rassurez-vous on a déjà passé commande à la rédaction pour le tester le plus vite possible !
Dernière nouveauté de Panasonic et non des moindres la marque déboule avec une grosse surprise, sur un terrain où on ne l’attendait pas : celui de l’appareil photo connecté ! En effet le CM1 est un compact, plutôt orienté expert qui fonctionne intégralement sous Android, comme n’importe quel smartphone et embarque un appareil photo reprenant l’interface des Lumix classique avec un capteur 1 pouce de 20 millions de pixels et une focale de 28mm f/2,8. Si le CM1 est présenté par la marque comme un compact expert connecté il ressemble à s’y méprendre à un smartphone haut de gamme et … peut être utilisé comme tel puisqu’il est possible d’insérer sa carte SIM et de télécharger toutes les applications du Google play ! Nous avons hâte de voir comment le public va réagir et de voir la réappropriation qu’il se fera du produit. En tout cas, si on le considère comme un smartphone il est le premier au monde à embarquer un capteur aussi grand. Reste juste un look un peu étrange quand on le porte à l’oreille mais…l’innovation ne se fait-elle pas aussi au prix de quelques sacrifices esthétiques ? Rendez-vous est pris pour vous en dire plus dès que nous le recevrons, mais en attendant on trouve le concept particulièrement intéressant !
T comme Third. Fuji présente la troisième itération du compact qui a fait le renouveau de la marque, le X100. Les évolutions sont intéressantes et bienvenues mais là encore rien de révolutionnaire à l’horizon. Si le capteur et l’optique ne changent pas d’un iota on notera en revanche l’apparition de quelques spécificités techniques comme un obturateur électronique de 1/32000s ou encore une correction d’exposition étendue à + ou – 3IL. L’écran, toujours non tactile voit sa définition passer de 460,000points à 1,04 millions de points, le Wi-Fi est intégré et un mode Classic Chrome (lui aussi implémenté dans le X30) s’ajoute au mode de simulation de film. Lors de cette première prise en main on remarque que l’autofocus est lui aussi plus véloce. A voir ce que ce X100T aura dans le ventre mais nous savons qu’il s’agit d’un bon produit malgré ses timidités techniques. En tout cas elles sont aujourd’hui suffisamment nombreuses pour que les possesseurs de X100 qui n’étaient pas encore passés au X100S, et ils sont nombreux, renouvellent leur boîtier.
Nous ne devons évidemment pas nous arrêter aux apparences mais sur ce segment du semi-pro un boîtier ayant la même silhouette qu’un D810 a plus de légitimité pour le photographe. Enfin, quelques absences risquent de refroidir là aussi les professionnels n’ayant pas les moyens de passer au D4s et qui considèrent que les 36 Millions de pixels du D810 sont problématiques : pourquoi l’obturateur est-il limité au 1/4000s, même question pour la synchro flash à seulement 1/200e et en vidéo…où est le focus peaking ? Il reste cependant que le D750 saura se montrer à coup sûr polyvalent et surtout capable d’une qualité d’image sans reproche. Après ces réactions à chaud on hâte de le tester et de voir ce que ce nouvel opus à réellement dans le ventre !
La mode c’est bien et ça fait vendre …mais est-ce vraiment intéressant de suivre tête baissée toutes les tendances sans réfléchir à l’usage ? Nikon tente de répondre à cette interrogation en proposant un appareil photo compact, spécifiquement étudié pour les égoportraits, autrement dit les selfie. Avec son S6900, remplaçant le S6000, le constructeur revoit l’ergonomie de son compact milieu de gamme et propose plusieurs points importants pour se démarquer : le S6900 est équipé d’un trépied intégré qui permet de poser son appareil à peu près n’importe où pour mieux se prendre en photo. L’écran du Nikon S6000, orientable sur 180° et à la rotation de 270° est repris mais voit sa taille augmentée pour passer à 7,6 cm de diagonale contre 6,7cm sans toutefois améliorer sa définition. Et enfin un déclencheur sur la face avant est intégré pour …devinez quoi ? Mieux se tirer l’autoportrait. Enfin sachez que Nikon a amélioré son multitouche électrostatique pour une commande gestuelle plus intuitive et équipe désormais son compact du WiFi NFC. Avec toutes ses spécificités on voit que le constructeur pousse la logique du selfie jusqu’au boutisme et propose un appareil quasiment dédié. Intéressante initiative mais… qui à notre avis, ne peut s’inscrire dans une stratégie à long terme.
Que dire de plus que tout ce que nous avons déjà écrit, lu et pensé à son sujet : le Leica M60 est non seulement l’appareil le plus marquant de cette Photokina 2014 mais en plus il est clairement un coup de génie marketing de la part de la marque de Westzlar. Prenant toute l’industrie photo à revers, la marque célèbre les 60 ans de sa monture M avec un Leica M …sans écran ! En lieu et place trône fièrement une molette de sensibilité, comme en 1954. Radical certes mais diablement efficace pour qui veut se concentrer sur l’instant. Pas un jour ne s’est écoulé depuis cette annonce sans que certains, dont je fais partie, crient au génie d’autre à l’extrémisme ou au snobisme. Si on considère les 15 000 € qu’il faudra débourser pour se le procurer oui il est clairement réservé à une élite, mais si on pense que le boîtier est limité à 500 exemplaires, qu’il est livré avec une optique quasi parfaite, à savoir un Summilux 35mm f/1,4 et que ce M-60 représente un tournant dans l’histoire de la photographie numérique on peut légitimement s’interroger sur son existence.
A l’heure où on ne parle que d’hybride, d’écran Full HD, de vidéo 4K, de WiFi ou de tactile, le M-60 fait fît de toutes les tendances pour ne se concentrer sur l’essentiel: la visée et le déclenchement. Impossible donc de voir ses images (uniquement enregistrées en Raw évidement) avant de les importer sur son ordinateur. Ça ne vous rappelle rien ? Si, si souvenez-vous ce temps pas si éloigné ou pour voir ses photos il fallait patienter et les développer… le « bon vieux temps » de l’argentique en somme.
Et comme si l’annonce de cet ovni ne suffisait pas Leica enfonce le clou avec la présentation d’un M-A tout aussi radicale : boitier argentique, pas d’électronique, pas de cellule d’exposition. Rien nada, aucune électronique. Le boîtier est entièrement mécanique et seul l’œil (ou une cellule à main) et le cerveau devront travailler pour réaliser de bonnes photos. Le prix de ce dernier est de 3 750 €. Un radical retour aux sources qui ne pourra que trouver son public … en mal d’authenticité.
Si il y a bien un domaine sur lequel nous n’attendions pas Samsung, c’est bien celui-ci : en annonçant un NX1, la marque vient carrément chasser sur les terres du Canon 7D MarkII, du Sony Alpha 77 Mark II ou encore des Olympus EM-1 et Fuji X-T1 ! Pourvu d’un capteur CMOS BSI rétroéclairé de 28 Millions de pixels, d’un autofocus hybride à corrélation de phase couvrant quasiment toute la surface du champs visé, d’un processeur DRIME V permettant d’engranger 15 images par seconde avec suivi autofocus, d’un viseur OLED 2,36 Millions de points, d’un écran tactile et articulé, du WiFi, du Bluetooth, d’une prise casque et micro et enfin de la 4K, le Samsung NX1 a de quoi faire rougir de honte ses concurrents. En plus d’une ergonomie poussée avec écran d’information sur l’épaule droite, d’un trèfle de fonction comme les semi-pro Nikon il pourra aussi être équipé d’un grip verticale et d’un flash GN58. Jamais un Samsung n’avait aligné une telle fiche technique. Pour ne rien gâcher, l’annonce d’un 50-150 mm f/2,8 et le développement d’un 300 mm f/2,8 auront de quoi ravir les photographes les plus exigeants.
Pour l’instant le seul défaut que nous pourrions reprocher à ce boîtier est le manque de notoriété de la marque sur ce segment. Souhaitons donc que les photographes avisés sauront franchir la barrière psychologique du manque d’image de marque et que le constructeur puisse leur répondre sur le terrain du service après-vente. Cette annonce est bien la preuve que le marché est en pleine mutation et qu’une redistribution des cartes est en cours. Si on a hâte de le tester il va falloir patienter encore un peu car il ne semble pour l’instant pas sûr que Samsung destine le NX1 à la France…la faute à un marché « trop fermé ».
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Les Plus
- Dalle matte
- Finition
- Design
Les Moins
- Trop peu de lignes
- Pas de modes adaptés à la vidéo