Hacker son appareil photo : plus de performance pour pas un rond

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Hacker son appareil photo, quelle drôle d’idée ? Si l’on ne changera pas évidemment le nombre de pixels ou même les limitations physiques de l’optique d’un appareil, un bon nombre de paramètres sont essentiellement liés au logiciel embarqué. Alors pourquoi ne pas le modifier ?

Au Fosdem (Free and Open Source Developper Meeting) qui s’est tenu à Bruxelles du 31 janvier au 1er février, nous avons rencontré un groupe de développeurs dont la grande passion dans la vie est de modifier le firmware des appareils photos pour en tirer le meilleur parti. C’est dans un esprit très hacker « Je le fais parce que je le peux », que les gens de CHDK (Camera Hacking Développement Kit) se sont attaqués au Firmware des appareils photos Canon, pour l’essentiel. Et si ce n’est pas une initiative nouvelle, on a pensé que c’était suffisamment intéressant pour pouvoir vous en parler, car les résultats sont vraiment au rendez-vous quand on active des fonctions que les constructeurs étaient trop fainéants pour intégrer à l’époque alors que c’était parfaitement possible ! Inutile aussi de dire que le firmware reste une façon très bon marché pour les fabricants de créer une gamme d’appareil : le même appareil avec trois ou quatre fonctions logicielles en plus, et hop ! L’appareil est 50 euros plus cher. Alors pourquoi payer quand on peut avoir ces fonctions en open-source ?

Le hacking d’appareil photo est relativement courant chez les photographes pro, mais la procédure est plus compliquée, et surtout beaucoup plus dangereuse. Aussi, on s’est intéressé ici à la photo compact, parce qu’il y a des chances que vous ayez quelque part un vieil appareil photo dont vous ignorez le plein potentiel.

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Pour bien démarrer.

Alors que faut-il pour démarrer le hacking d’appareil photo ? Il vous faut :

– Un appareil photo Canon (parce que nous avons utilisé CHDK ici)
– Une carte SD
– Le logiciel STICK, qui vous guidera pas à pas dans l’installation et vous pouvez le trouver ici.
– Un peu de patience
– Un peu de courage, liquide si besoin est.

Hacker son appareil photo : retour vers le futur

Pour les besoins de l’expérience, on est allé chercher sur leboncoin (son équivalent belge en l’occurrence) un appareil numérique qui a connu le débarquement. Enfin, pas tout à fait, notre Canon PowerShot A430 date de 2006.

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Le PowerShot A430 était en 2006 un appareil fantastique… du moins en croire ce que l’on a pu écrire à l’époque à ce sujet et c’est assez drôle. L’appareil offre une résolution fantastique de 4 MPixels, rendez-vous compte. C’est largement plus qu’il n’en faut et personne ne voudra jamais d’un appareil 20 Mpixels, pourquoi faire voyons ? Heu… l’écran est un immense de 1,8 pouces, LCD évidemment, avec pas loin de 77.000 pixels, entrelacés qui plus est… si, si.

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Bref, c’est un appareil qui envoie du rêve. Pas encore vintage mais pour le coup carrément dépassé. Il nous a coûté 15 euros, comme quoi on ne recule devant aucun sacrifice pour vous faire plaisir. Alors pourquoi un A430 ? Tout simplement parce que c’est un très répandu. Et en plus de cela, il fonctionne sur pile. Et si vous voulez acheter un appareil vieux de presque 10 ans, vous n’avez pas envie qu’il fonctionne sur une batterie complètement rincé.

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On vous conseille de trouver une carte pas trop grosse. Car à l’époque, elles n’étaient pas toutes bien supportées. Est-ce que le hack change quoi que ce soit à la garantie ? A priori nom. En fait, CHDK se charge directement depuis la carte en RAM, il ne modifie pas la ROM de l’appareil. Donc si vous enlevez la carte et rallumez votre appareil, il est comme neuf… enfin, comme vieux… Certains membres de CHDK ont contacté Canon à ce sujet et Canon semble plutôt bienveillant en ce qui concerne ce projet et reconnait qu’il n’y a pas de modification permanente du firmware.

Est-ce que je vais endommager mon appareil. A priori non. Il y a eu quelques cas douteux sur certains appareils à fort zoom, parce que la batterie a expiré alors que le zoom était complètement déployé.

Pourquoi beaucoup d’appareils Canon ? Tout simplement parce que Canon est un fabricant d’appareil très intégré verticalement : Canon fabrique ses propres capteurs et ses propres processeurs (les fameux Digic). Or il se trouve que le jeu d’instruction ne change pas beaucoup, ce qui a permis à CHDK de déployer assez facilement des firmwares sur bon nombres d’appareils photos !

Comme souvent sur les projets open-source, rien ne remplace un peu de documentation. Aussi, direction le Wiki de CHDK pour plus d’infos.

Hacker son appareil photo : simple comme un coup de stick

Donc voilà, la première chose à faire pour hacker votre appareil est de… prendre une photo avec, et de copier l’image sur votre PC. Ensuite vous téléchargez et lancez l’application stick. Ce petit logiciel est absolument génial. Vous y chargez la photo et Stick va télécharger pour vous la dernière ROM hackée disponible pour votre appareil. Attention, Stick fonctionne exclusivement avec les appareils Canon, car il utilise les hacks créés par le groupe CHDK.

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Reste ensuite à suivre la procédure et installer la ROM. Elle est stockée sur une carte SD. Avant de l’insérer dans l’appareil, il convient de verrouiller le loquet de protection en écriture.

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On bascule la molette de l’appareil sur lecture (ou visionnage des photos), on insère la carte, et on démarre l’appareil. Ce dernier vous demandera si vous voulez mettre à jour le firmware, vous fermez les yeux, vous prenez une grande inspiration et vous cliquez sur « Oui ». Et voilà le travail !

Comment sauvegarder les photos sur une carte verrouillée en lecture seule sur l’appareil ? Et bien, on le sait peu, mais la protection en écriture n’est qu’une protection logicielle ! Ainsi, la carte dit à l’appareil : « attention, je suis en lecture seule ». Et le nouveau firmware répond « ok, mais je m’en fous, j’écris quand même ». Ainsi, vos photos vont être enregistrées sur une carte protégée en écriture. Bizarre, mais ça marche.

Hacker son appareil photo : pourquoi faire ?

Voilà, maintenant vous êtes content, vous avez un appareil photo hacké et vous vous demandez pourquoi vous vouliez le faire en premier lieu. Une fois l’appareil moddé, d’ailleurs, rien d’extraordinaire ne se passe. On a droit à un écran d’accueil CHDK différent. Et puis c’est tout. L’appareil répond aux commandes habituelles, toutes les molettes fonctionnent normalement. Sauf qu’en appuyant sur le bouton « Impression » (celui qui ne sert à rien depuis son invention car personne n’imprime jamais depuis son appareil photo), vous accédez à un mode alternatif qui devrait amener n’importe quel photographe au bord de l’orgasme.

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On voit ici que l’on peut faire :

On peut sauvegarder en RAW.

On peut afficher un histogramme live.

On peut afficher les zébras pour représenter les zones saturées à l’écran.

Mais il y a plus ! Une fois dans ce menu, on peut cliquer sur Menu et accéder ainsi à une série de paramètres supplémentaires !

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On peut dépasser le temps d’exposition limite de l’appareil. Ici, par exemple, le A430 refuse de base de monter au-dessus d’une seconde. Mais vous pouvez exposer ici pendant des minutes entières si ça vous chante. C’est particulièrement pratique si vous ne voulez pas monter en ISO, parce que ces vieux capteurs CCD ne dépassent pas le 400 ISO et très franchement, au-delà de 100, déjà, c’est assez limite en terme de qualité d’image.

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On peut jouer aussi sur la sensibilité. Mais on vous le déconseille. En effet, sur cet appareil en tous les cas, la sensibilité est directement liée au gain de l’électronique de l’appareil et monter en ISO au-delà de 400 ne fait qu’augmenter le grain. De même, si vous descendez en dessous de 64, vous allez saturer l’appareil.

En revanche, vous pouvez customiser la limite haut de sensibilité en ISO auto. De façon à vous simplifier la vie. Sur cet appareil, la priorité ouverture n’est pas disponible, l’appareil est vraiment trop vieux, mais d’autres appareils Canon disposent de cette fonction une fois CHDK installé.

Vous pouvez aussi faire la mise au point en manuel, faire un braketing de focus, par exemple, si vous n’êtes pas sûr de la mise au point. Et vous pouvez même introduire des courbes de gamma custom pour changer le rendu dans l’appareil. Cette dernière fonction ne nous apparait pas comme essentielle, dans la mesure où vous avez le RAW pour jouer avec tous ces paramètres.

Hacker son appareil photo : les performances

On a donc emmené ce vieil appareil photo tout pourri… euh, cette merveille technologique, pardon, en voyage avec nous pour faire l’essai. Et nous n’avons pas été déçus. Si la résolution des images reste limitée (4 Mpixels), le RAW évite le lissage des JPEG de l’appareil. Certes, on a un peu plus de grain, mais les résultats sont vraiment très bons.

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Le système de script et le bracketing peut même vous permettre de faire du HDR avec ce vieil appareil. Bien sûr, la photo HDR ne sort pas directement de l’appareil, mais avec 3 ou 5 images à différentes valeurs d’expositions, vous pouvez faire ce genre de cliché :

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On utilise un autre logiciel open-source pour cela : Luminance HDR. Là encore, il faut composer avec la résolution limitée du capteur, mais c’est tout de même correct pour un appareil qui fêtera ses 10 ans l’année prochaine.

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CHDK modifie aussi l’ergonomie de l’appareil. On peut afficher des grilles supplémentaires, mais surtout un histogramme live et un vrai indicateur de batterie en pourcentage, histoire d’être prévenu suffisamment à l’avance.

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Hacker son appareil photo : les limites

Le hacking d’appareil photo n’est pas une solution miraculeuse et on doit toujours composer avec les limitations du capteur. Vous n’aurez pas des photos plus résolues, et vous n’aurez pas non-plus un bruit plus faible à l’image. Le RAW vous évitera cependant un lissage trop important.

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Vous allez aussi consommer un peu plus de batterie, à cause des fonctions supplémentaires et du RAW.

Hacker son appareil photo : aller plus loin

Hacker son appareil photo ouvre tout un tas de possibilités. Et si vous trainez un peu sur YouTube, vous trouverez des gens qui utilisent CHDK pour se monter des caméras bullet time / Matrix avec 60 appareils identiques et pas trop chers. On trouve aussi des gens qui utilisent CHDK pour faire du time-laps… et envoyer des appareils sur des ballons sondes dans risquer trop de pognon dans l’aventure. Toutes ces applications s’appuient sur le fait que CHDK est avant tout un kit de développement. Avec cet article, nous n’avons fait que gratter la surface des possibilités offertes par CHDK. Vous pouvez télécharger un environnement de développement de scripts très complets pour faire vos propres séquences photographiques et vidéo.

Ceux qui s’intéressent plus aux appareils photo Reflex peuvent regarder du côté de Magic Lantern un firmware alternatif, encore une fois pour Canon EOS, grâce à un architecture DIGIC archi connue et surtout relativement standard. Il existe des alternatives, chez Nikon notamment mais attention, dans ce cas, on modifie vraiment le firmware de l’appareil. A manier avec précaution.

Enfin, et comme la plupart des gens qui font ce genre de développement sont restés un peu de grands enfants, on trouve ce genre de fonctions complètement inutiles sur CHDK. Inutile et donc complètement indispensable :

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Hacker son appareil photo : plus de performance pour pas un rond
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Les Plus

  • Grand écran de qualité
  • Bien finie
  • Pied vraiment pratique

Les Moins

  • Projecteur inutile
  • Taille qui ne conviendra pas à tout le monde
  • Performances en jeu

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