Civilization Beyond Earth : le journal d’une addiction

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Depuis une vingtaine d’années, probablement plus, quand je lis quelque chose sur Civilization dans la presse sérieuse, c’est unanime : Civilization, c’est le jeu « intelligent » par excellence. C’est celui qu’on oppose aux FPS en général, aux Call of en particulier, celui que maman est fière d’offrir à son fils. Il était temps que je m’empare du sujet en martelant haut et fort que Civilization rend con et en paraphrasant NTM : laisse pas trainer ton fils devant Civilization.

Cet opus spatial de Civilization est très différent des opus classiques des autres Sid Meier. On retrouve les fondamentaux mais on pourrait un peu le considérer comme du light. Et bien malgré ça, je suis encore tombé dans le panneau avec pourtant en tête le côté totalement addictif de Civilization. Voici donc le journal d’une addiction.

4 novembre : je reçois les codes Steam pour activer Civilization Beyond Earth et Borderlands The Pre Sequel. Je reçois les communiqués de presse aussi. Je me demande si quelqu’un lit ces documents jusqu’au bout. J’ai un peu mal au cœur pour les attachés de presse. J’active les jeux dans la soirée. Ils seront disponibles demain matin.

5 novembre : les deux titres 2K Games sont arrivés. Je regarde le bouton « Jouer » qui permet de lancer Beyond Earth. Mais je suis – encore – assez fort, je peux résister. Je le snobe même, ce bouton, en sélectionnant des jeux comme The Evil Within ou Alien Isolation. Je vérifie mes succès Steam histoire de faire comprendre au dernier Sid Meier que l’on a mille choses plus importantes à faire que de lancer la dixième ou douzième version du même jeu, à peu de choses près.

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6 novembre : bon, allez, je le lance. C’est professionnel, de toute façon, j’en fais un test vite fait bien fait et hop, au dodo. Peut-être un film avant, quelques chapitres d’un livre. Je ne sais pas encore. Ce n’est pas un jeu qui va faire la loi, de toute façon. Je ne vais pas me… Waouh, elle est rudement belle cette cinématique d’intro, ça claque vraiment. Et ça ne me rassure pas. Quand un développeur est obligé de se servir d’artifices tels que la vidéo AAA pour vendre un jeu, c’est que la suite va être médiocre. Il est environ 11 heures quand je lance Civilization Beyond Earth. Dès les premières minutes de jeu, on prend nos aises. Le début correspond à ce que l’on connait mais n’a pas lieu à une époque préhistorique mais dans le futur. Ça commence là où s’arrêtait le précédent, avec la victoire spatiale. En effet, une des possibilités de victoire de Civilization consiste à démarrer la conquête spatiale. Beyond Earth prend le relai à ce moment là. Alors vous vous en doutez, ce n’est pas parce qu’une poignée de colons débarque sur une autre planète qu’il va falloir reprendre les choses à zéro : inutile d’essayer de chercher à inventer la roue ou les routes, ces choses sont déjà acquises. À la place, des axes de recherche qui partent également dans tous les sens, qu’il s’agisse de technologies mécaniques, de bâtiments à créer dans les villes ou d’études de la faune locale.

Pour le moment, tout n’est que calme, luxe et volupté

La progression dans cette aventure se passe malgré tout de la même façon que dans un Civ « normal ». Une ville doit se déployer sur des terrains intéressants, cultivables ou ayant un accès à la mer afin de pouvoir multiplier les possibilités. On comprend aisément que sur un désert, l’agriculture est limitée, la production de nourriture aussi et à un moment, ça coince au niveau de la population. Comme d’habitude, les colons, dans leurs premières explorations expliquent via un petit drapeau qu’il serait peut-être intéressant de s’installer ici ou là.

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Premières différences avec un Civ que l’on connait : l’hostilité de la faune locale. D’habitude, les tribus que l’on trouve au hasard des balades sur la carte font un peu de la décoration. Ici, pas du tout : elles font clairement du harcèlement sur vos unités mobiles et pourrissent le quotidien des cités du joueur. Rien de grave, je n’ai jamais vu aucune ville tomber à cause de ça mais un choix va se poser rapidement : faut-il l’éradiquer ou l’utiliser. C’est LA grosse question du jeu. En gros, faut-il conserver la pureté de la race humaine ou aller piocher dans l’ADN alien pour s’améliorer. Le jeu est malheureusement moins manichéen que cela et on peut progresser sans réellement faire un choix.

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Voici effectivement ce que propose Beyond Earth : le remplacement de l’ensemble des systèmes politiques que l’on trouvait sur terre (de la démocratie au fascisme en passant par toutes les variantes religieuses possibles) par un choix de vie. En effectuant quelques recherches, on gagne des points de pureté, d’harmonie ou de suprématie. Chaque orientation permet de gagner des ressources propres à chacune et débloquer des bâtiments particuliers. Le problème, c’est qu’aller dans une direction plus qu’une autre n’est pas une pénalité pour les autres. On peut allégrement monter les trois orientations en même temps. Ce n’est pas catastrophique mais un petit peu incohérent. Ça aurait pu apporter un peu de replay value. Ah l’idée à la con ! Apporter un peu de replay value à un jeu comme Civilization, comme si ce n’était pas déjà assez chronophage comme ça. Parce que le temps de comprendre ce que je viens d’écrire, il était déjà assez tard. On avait changé de journée.

Société, tu ne m’auras pas

7 novembre, minuit. Je suis claqué. Forcément. Mais ce coup-ci, Civilization ne m’aura pas. Je me donne une heure pour booster un peu mes villes, éradiquer de la carte cet ennemi qui est à ma portée et qui sépare en deux parties mon continent. Mes ingénieurs créent des améliorations par centaines, les routes sont remplacées par des monorails, mes armées se déplacent à la vitesse grand V, je monte des satellites partout où je veux. J’ai la suprématie maritime. Il ne me reste qu’une poignée de recherches à effectuer, les merveilles sont présentes partout dans mes villes. Diplomatiquement, je suis au top. J’accède à toutes les requêtes, sauf celles qui exigent des ressources spéciales, bien trop précieuses. J’ai la mainmise sur cette planète alien. Mes villes sont gigantesques, le peuple m’adore, il est cultivé et a toujours à manger.

Bref, je n’ai besoin que de quelques tours pour réaliser ce que je veux. Le problème, c’est « ce que je veux » ; de tour en tour, il change constamment : une fois je veux arriver à telle ou telle technologie, une autre fois je veux voir les résultats bonus de la dernière merveille dont j’ai lancé la production. Mais une chose est sûre : je boucle encore quelques tours de jeu mais quoi qu’il arrive, à une heure du matin, je fais la sauvegarde et je vais me coucher.

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7 novembre, une heure : je viens de lancer la production d’une nouvelle merveille. Mon industrie est rayonnante, une tâche ultra complexe qui mettrait 120 tours à s’achever dans une ville même moyenne n’est réalisée qu’en 5 tours dans ma capitale. Promis, dès que ça se termine, je vais me coucher.

7 novembre, une heure trente : C’est fini, c’est beau, ça m’a donné une technologie gratuite. Je n’en avais pas vraiment besoin vu que ma priorité a toujours été la recherche et les plus complexes d’entre elles sont trouvées en 7 ou 8 tours maxi. Là, j’ai un problème de riches. Un concurrent lointain m’a demandé des ressources rares. Normalement, malgré de très bons rapports, à cette demande, je l’aurai envoyé boulé. Mais là, il m’offre non seulement des ressources dont j’ai besoin mais une ville moyenne, livrée clé en main. Bon, je fais en sorte de la rendre présentable mais à deux heures, quel que soit l’état dans laquelle elle se trouve, je vais me coucher.

Tempête dans un crane

7 novembre, trois heures trente. J’ai envoyé des satellites afin de faire profiter toutes mes villes et toutes mes unités de bonus. Les frontières sont hermétiques mais je suis certain que le russe va me faire un coup à la Brutus dans pas longtemps. Toutes mes forces, tous mes engins les plus sophistiqués, ceux que j’ai produits avec des ressources rares se massent à notre frontière commune.

7 novembre, trois heures trente-trois. Il m’a vu venir. C’est la guerre. Hors de question d’aller me coucher maintenant, c’est trop tendu. Toutes mes unités n’attendent que le go.

7 novembre, trois heures trente-cinq. C’est l’invasion. Les villes tombent les unes après les autres. Quand je pense que le russe s’est vexé parce que je lui avais refusé des ressources qui ne me servaient pas. Deux de ses villes de plus sont prêtes à tomber.

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7 novembre, quatre heures dix. Il me propose la paix, je refuse. Je suis content que personne ne me voit, en train de lui faire un doigt. Techniquement, c’est à mon écran que je fais un doigt vu que ce type est une IA.

7 novembre, quatre heures douze. Il me propose la paix et deux villes. J’accepte. Je lui fais encore un doigt.

7 novembre, quatre heure quinze. J’attaque sa capitale. Il me maudit et les IA survivantes aussi, tellement je suis belliqueux. Je leur fais des doigts à elles aussi. Je veux être le maitre du monde, je veux toutes les technos, toutes les armées, toutes les villes, tous les succès Steam, l’harmonie et la pureté.

7 novembre, quatre heures, cinquante-neuf. Je déclare la guerre au reste du monde. Je bave, j’ai la rage, et je dois arrêter dans une minute. Une MINUTE. Je dois aller me coucher, je me lève dans une heure, je deviens totalement taré avec ce jeu. Je me rends compte que je m’étais promis d’être pondéré, de faire une nuit à peu près complète pour être en forme pour tous les tests de jeux qui m’attendent. Malgré toute la volonté et la prudence à laquelle je m’étais obligé devant un nouveau Civ, je suis passé totalement à côté de mes objectifs de raison.

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Civilization reste et restera le jeu le plus chronophage au monde, avec quelques autres. Mais il y a pire : même quand on a cette information en tête et qu’on a un emploi du temps de ministre, on ne peut pas lutter contre le fait de vouloir faire un ou deux tours de plus et l’état dans lequel il vous plonge. Moi qui ai fait ma première, ma deuxième communion, je me mets à faire des doigts à des IA que je suis en train d’exterminer, à la limite de lui montrer mes parties génitales. À peu près pareil que les plus cinglés des joueurs de Call of. Heureusement que je ne fume plus mais que je vapote, trois paquets y seraient passés. Là, j’ai juste fait la fête à un flacon de 10ml, un truc très onctueux, crémeux, en totale opposition avec la façon de faire sur un champ de bataille.

Civilization Beyond Earth : conclusion

Voilà, c’était ma brillante démonstration, à peine exagérée, qui tend à prouver que Civilization n’est pas totalement le jeu qui rend intelligent. Mais putain, qu’est ce que c’est bon de se replonger dedans…

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8/10

Les Plus

  • Un concept à peine modifié
  • Difficile de trouver plus prenant
  • Beaucoup moins d’attente qu’avant pendant les tours de l’IA

Les Moins

  • Disparition des systèmes politiques
  • Des IA parfois trop généreuses ou trop rigides dans les échanges

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