Facebook : Les 10 ans d’un géant

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S’il y a bien un site qui a véritablement changé notre façon de communiquer sur Internet c’est bien Facebook. La société de Mark Zuckerberg est devenue en à peine 10 ans un géant des Internet avec plus d’un milliard d’utilisateurs dans le monde. Ces 10 ans sont donc l’occasion pour nous de revenir sur l’histoire de ce site.

Les origines de Facebook peuvent être tracées à un dortoir de la très prestigieuse Université de Harvard. C’est là que Mark Zuckerberg et trois autres étudiants (Andrew McCollum, Chris Hughes et Dustin Moskovitz) lancent Facemash le 28 octobre 2003. Ce petit site met en compétition deux photos d’élèves de l’université et demandait à l’utilisateur de choisir le ou la plus sexy. Pour cela Zuckerberg détourne les « facebooks » (trombinoscopes) de plusieurs associations étudiantes de Harvard pour en « aspirer » les images des étudiants. La méthode utilisée ne plut bien évidement pas beaucoup à l’administration de l’université qui fit fermer le site en quelques heures. Zuckerberg ne s’arrête toutefois pas et réutilise Facemash pour un système de partage d’informations pour un court d’histoire de l’art. Les autres élèves pouvaient ainsi partager leurs notes et commentaires. Cette utilisation innovante d’un réseau numérique mais social le pousse à lancer quelques mois plus tard Facebook, ou plus exactement « The Facebook. »

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Des débuts en fanfare

La première version du site est mise en ligne le 4 janvier 2004, avec pour but avoué d’offrir un « facebook » unifié à tous les élèves d’Harvard. Le succès est immédiat et massif puisque la moitié du corps étudiant s’inscrit dans les deux semaines suivant le lancement. Aidé par plusieurs autres étudiants, Zuckerberg étend rapidement la portée de « The Facebook » en lançant le site dans plusieurs autres universités. D’abord parmi les membres de l’« Ivy League » puis dans la plupart des autres campus américains et canadiens. A noter que pendant les deux premières années de son existence le site conserve ses origines « scolaires » en ne permettant qu’aux membres d’une université ou d’un lycée de s’inscrire (en utilisant l’adresse email fournie par l’école). Financé dans un premier temps par Eduardo Saverin, un camarade de Zuckerberg (qui reçut 30 % des parts de l’entreprise en échange) Facebook leva rapidement de l’argent. Une première levée de fonds en Avril 2004 rassembla 500 000$ et fut suivie par 12,7 millions en 2006 puis 27,5 millions un an plus tard.

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Le succès grandissant du site attire évidemment d’éventuels acheteurs mais Mark Zuckerberg continue à préférer l’indépendance pour sa société, allant même jusqu’à refuser 1 milliard de dollars de la part de Yahoo… Le 26 septembre 2006, Facebook (qui a lâché le « The » depuis quelques temps) s’ouvre au monde entier et surtout à tous les utilisateurs. C’est la fin d’une époque, la dernière facette « happy few » du site disparaissant ainsi. Depuis la base d’utilisateurs ne cesse de grandir et a dépassé en fin d’année dernière le milliard d’utilisateurs. Facebook s’est aussi beaucoup diversifié ces dernières années, entrant avec Google et quelques autres dans la course aux acquisitions monstres de startups. On compte ainsi Instagram pour 1 milliards de dollars ou plus récemment le système de messagerie WhatsApp pour la somme folle de 19 milliards de dollars. L’introduction de l’entreprise en bourse l’an passé fut un véritable évènement avec une valorisation monstrueuse. Les débuts furent cependant difficiles, avec une action se négociant près de 10$ moins cher que le prix d’introduction. Les bons résultats de ces derniers mois ont toutefois fait fortement monter le cours, au moment où nous écrivons ces lignes une action se vendant un peu plus de 70$.

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Après plusieurs années passées dans le rouge, Facebook a désormais trouvé un modèle économique très rentable. Comme Google avant elle l’entreprise vend avant tout des emplacements publicitaires. Pour cela elle exploite l’immense masse de données auxquelles elle a accès pour proposer un ciblage toujours plus précis. La pub, en particulier sur mobiles représente les 4/5èmes des revenus de Facebook. Le reste est constitué par la part que se prend Facebook sur les paiements effectués sur son site (micro-paiements ou même achats de produits réels).L’histoire de Facebook est ponctuée depuis sa création de nombreux procès. Normal pourrait-on dire. Après tout, n’importe quelle entreprise à succès attire les convoitises. Les affaires de Mark Zuckerberg sont malgré cela un peu plus troubles. Le premier scandale concerne les frères Winkelwoss, deux élèves d’Harvard ayant embauché Zuckerberg pour leur coder un réseau social dédié aux étudiants d’Harvard. Le futur patron de Facebook n’a au final jamais fini son travail. L’affaire a été réglée discrètement à coups de gros chèques mais des fuites quelques années plus tard ont révélé que Zuckerberg avait volontairement saboté son travail pour monter son propre site concurrent, Facebook… L’autre gros scandale est celui qui constitue le fil narratif du film « The Social Network » : l’exclusion d’Eduardo Savarin, un des cofondateurs, qui avait vu ses parts passer de 30 à moins de 10% de la compagnie et son rôle de cofondateur occulté. Si Savarin est en réalité moins innocent que le film laisse l’entendre (il a vite abandonné ses responsabilités chez Facebook) il a toutefois eu gain de cause. Comme pour les frères Winkelwoss, l’affaire s’est réglée à l’amiable avant de finir devant les juges. Désormais Savarin est propriétaire de 5 % des parts de l’entreprise (ce qui représente un peu plus de 3 milliard de dollars tout de même).

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C’est dans les vieux pots…

Comme beaucoup de produits et de sites à succès, Facebook n’a pas vraiment apporté de fonctions révolutionnaires en soi. La messagerie, tant mail qu’instantanée, est presque aussi vielle que le net et les premiers réseaux sociaux comme Geocities datent du début des années 90. Le coup de génie de Facebook a d’abord été de proposer tous ces services de manière unifiées et surtout utilisables simplement. Bien qu’imparfaite, l’ergonomie du site est assez bien pensée pour qu’une grand-mère de 80 ans puisse en une demi-heure se créer un profil et commencer à partager des centaines de photos à toute la famille (toute ressemblance avec des évènements existants est tout à fait fortuite). Facebook a aussi su surfer sur l’intérêt provoqué par son côté prestigieux des débuts, lorsque seuls les étudiants pouvaient s’inscrire. Si l’exclusivité du site a vite disparu avec l’ouverture à tous les utilisateurs, la base d’utilisateurs a grandi assez vite pour que Facebook devienne LE réseau social de référence. Quelques réseaux plus spécialisés subsistent bien, mais personne n’a réussi à venir attaquer Facebook sur son terrain. Même Google avec tous ses moyens, n’a pas réussi à implanter durablement Google +, son réseau maison.

IMG_4861-2.jpgMais plus que ses fonctions encore une fois très basiques, c’est nos comportements que Facebook à profondément modifié. Le changement est parfois bénéfique. Il est ainsi beaucoup plus facile de garder contact avec des relations distantes ou de retrouver des personnes perdues de vues. La gestion des évènements est aussi un progrès indéniable, permettant d’organiser aisément fêtes, soirées ou même manifestations. Ce dernier point a d’ailleurs été particulièrement évident lors du Printemps Arabe, ou des dizaines voire des centaines de milliers de manifestants ont utilisé Facebook pour coordonner leurs activités. Mais cette facilitation des communications n’est pas sans conséquences sur la façon dont la notion même de vie privée est perçue. Nombre d’utilisateurs, en particulier les plus jeunes, font un usage intense du système et y postent une quantité d’informations proprement terrifiante. Localisation, gouts, activités, relations, photos … On peut tout savoir de vous grâce à votre profil. Cela peut causer des problèmes sociaux dans la vie réelle, un employeur potentiel ou votre grand-mère n’a pas forcément besoin de connaitre les exploits alcoolisés du week-end. Plus dangereux, un compte Facebook est une véritable mine d’or pour un usurpateur d’identité. Le fait que Facebook soit une entreprise américaine fait que le gouvernement local a un accès plus ou moins aisé à ces données.

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Pis encore, les personnes les plus vulnérables, particulièrement les adolescents qui ne savent pas encore maîtriser leurs relations sociales et leur vie émotionnelle, se laissent souvent aller à des confidences ou des exhibitions qui peuvent être utilisées abusivement par leur entourage, voire des inconnus mal intentionnés. Le problème réside dans la capacité de propagation du Web et dans la difficulté d’y mettre fin. Cela peut se solder par un véritable harcèlement et des dégâts psychologiques massifs. Plus généralement, Facebook recèle un autre danger majeur qui est de confondre vie réelle et virtuelle. Croire qu’une relation puise se fonder sur du voyeurisme et de l’exhibitionnisme est évidemment un leurre car souvent, les utilisateurs en mal de relations sociales se rangent dans l’une ou l’autre des catégories. Les uns exhibent leur réussite sociale toute relative et les autres s’en abreuvent pour la vivre par procuration. Ce faisant, les deux exhibent au monde toutes leur vie personnelle, un scénario que même Georges Orwell n’avait pas imaginé dans ses pires cauchemars. Ce n’est pas Facebook qui est à l’origine de ce type de comportement mais agit en amplificateur et en facilitateur. Et croire qu’en tant que personne équilibrée, on est à l’abri est un leurre aussi car nombre d’utilisateurs ont été surpris par l’utilisation faite de leur compte, malheureusement le plus souvent trop tard. Bien entendu, les risques peuvent être minimisés tout simplement en maîtrisant sa communication et ses relations virtuelles mais tout le monde n’en est pas capable.

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Du côté des entreprises

Initialement réservé aux particuliers, Facebook s’est assez rapidement ouvert aux entreprises qui y voient logiquement un moyen de s’adresser directement à des clients potentiels. Rares sont les sociétés qui n’ont pas leur page Facebook, que ce soit pour aider leurs clients ou tout même directement y vendre leurs produits. L’industrie du jeu vidéo a elle aussi connu un certain renouveau avec une multitude de petits jeux très addictifs. On se souviendra ainsi de Farmville et ses multiples clones, qui malgré des gameplay basiques (pour ne pas dires inexistants) qui ont rassemblé plusieurs dizaines de millions de joueurs. Le tout fonctionne en « freemium » avec un jeu de base gratuit mais rendu bien plus agréable à jouer avec des micro-payements. L’âge d’or des jeux Facebook semble être passé, mais le modèle brasse encore des sommes d’argent très importantes.

Facebook : La vie privée menacée

Bien entendu, Facebook ne fait rien pour limiter cet afflux de données et verrouiller la vie privée de ses utilisateurs. Car après tout chez Facebook, l’utilisateur n’est pas un client mais un produit à vendre. On a beau afficher une moralité de façade quant au type de contenu autorisé mais finalement, ce n’est pas tant la forme que l’information qui est au cœur du problème. Le modèle économique de la firme repose en effet sur la publicité ciblée. Ladite publicité est d’autant plus rentable que l’on dispose d’informations précises sur l’utilisateur. Résultat, si au début l’essentiel de vos informations et activités n’étaient visibles que par vos amis, la plupart sont accessibles à tous. Il existe bien des réglages de vie privée, mais ces derniers ne sont pas toujours simples à utiliser et changent souvent de fonctionnement. La philosophie de Mark Zuckerberg (et d’un certain nombre d’autres « grands » de la Silicon Valley) est que la vie privée est un concept démodé. Un point de vue militant plutôt angoissant selon nous. Assez ironiquement, le patron de Facebook a toutefois exprimé ces derniers mois un peu plus de nuance suite à diverses fuites sur sa propre vie privée…

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Dix ans après son lancement, Facebook semble donc plus fort que jamais et à moins d’une très grosse surprise (on ne sait jamais dans l’univers du Web) devrait encore afficher sa suprématie un moment. La firme montée au fond d’une chambre d’étudiant a réussi à changer profondément notre façon de communiquer. Toutes ces évolutions ne sont pas positives, très loin de là, mais elles ont eu lieu et font désormais partie de notre composante sociale, pour le meilleur et pour le pire. Cependant, il y a des signes avant-coureurs d’une certaine lassitude, notamment parmi les plus jeunes qui sont souvent à l’origine du changement. La politique publicitaire agace, le site paraît trop restrictif, etc. Les plus jeunes sont passés du téléphone au SMS, du mail à Facebook, et si on regarde bien ce sont des cycles temporels. Vers où iront-ils ensuite ? Celui qui a une idée va sans doute la monnayer.

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