Nous évoquions la semaine dernière les prétendus soldes agressifs de l’enseigne GAME dont la direction présentait alors les 60% de réduction comme une simple opération commerciale visant à profiter au maximum de la période de soldes qui s’ouvrait. Mais nul n’était dupe, à commencer par les employés. Aujourd’hui, une semaine après le début de la fin, GAME n’est plus que l’ombre d’elle-même. L’entreprise, autrefois flamboyante et jouant les Titans aux côtés de Micromania – désormais le dernier des Mohicans – s’effondre comme un château de cartes et disparaîtra dans les jours à venir.
Depuis ce matin, nous savons qu’une partie des boutiques va venir grossir les rangs de Micromania (pour combien de temps se demandent certains ?), une autre partie va intégrer le giron de la franchise Game Cash, spécialisée dans le vintage et le jeu d’occasion, une autre partie pourrait passer sous le drapeau Free Mobile (qui ne garde aucun salarié), et la grande majorité se contentera de baisser le rideau. Mais ne nous voilons pas la face, la plupart des 1000 salariés que compte GAME – soit presque autant de Virgin dont on parle beaucoup plus dans les médias (à croire que la disparition de l’antre du démon, de la bête et des tueurs en série, tout le monde s’en fout !) – va se retrouver sur le carreau après avoir assisté au pillage des rayonnages.
Quelles conséquences doit-on tirer de cette mort brutale, mais finalement attendue ? D’abord il sera difficile d’accuser le tout dématérialisé d’être l’unique responsable de l’hémorragie. Certes Steam propose des prix très bas et occupe grandement le marché, mais cela concerne principalement le jeu sur PC, soit un infime partie des joueurs. Ceux qui jouent sur consoles peuvent aussi acquérir des jeux dématérialisés, mais l’offre de titres physiques est encore très forte. S’il est évident qu’à plus ou moins longue échéance, l’abandon du support physique est inévitable, il n’est pas encore d’actualité et ne peut donc expliquer à lui-seul la chute de GAME. Idem pour le marché de l’occasion que les éditeurs sont décidés à voir trépasser au plus vite, or c’est justement sur l’occasion que les boutiques spécialisées parvenaient à réaliser leur chiffre d’affaire, et donc à survivre. Mais il faut aller plus loin et ajouter une gestion dramatique de l’entreprise, une politique tarifaire parfois ubuesque, la crise économique qui plombe le budget des joueurs, ou encore des décisions hasardeuses dans la stratégie commerciale.
Au final il n’y a pas une raison, mais une myriade de motifs qui conduisent à l’explosion de la planète GAME. Outre le drame humain qui touche les salariés, il y a aussi une crise plus profonde et dorénavant exposée au grand jour : pour les joueurs, l’accès au jeu va devenir difficile et limité. Difficile car la mort de l’occasion implique qu’il faudra acheter ses jeux neufs. Conscients qu’ils ne pourront pas revendre un titre, les joueurs seront plus regardants quant à la marchandise qu’on veut leur vendre, or une grande partie des jeux proposés ne méritent pas les sommes exigées par les éditeurs. Limité car en dehors de Micromania et quelques indépendants, il ne reste que les grandes surfaces où le conseil client est proche du néant et où la culture du jeu n’est rien face à celle de la rentabilité.
Enfin terminons cette oraison funèbre par la conséquence immédiate de la fermeture des boutiques GAME sur l’ensemble du marché français. Celui-ci va être déséquilibré durablement – au moins six mois – en raison des ventes que viennent de réaliser les magasins en l’espace d’une semaine. Ainsi ce sont des milliers de jeux, des centaines de consoles et autant d’accessoires que les joueurs viennent d’acquérir auprès de GAME, de quoi s’occuper un bon moment, et surtout couper l’herbe sous le pied des Micromania, Auchan & Co qui vont sans doute vendre beaucoup moins. Si la situation reviendra à la normale, pas sûr qu’elle soit sans conséquence d’ici là.
Quoiqu’il en soit, c’est aux salariés que nous pensons ce matin, puis au marché du jeu vidéo français qui vit ses dernières heures (années ?). Mais sinon ça va mieux : l’année 2013 est celle de la reprise !