Décidemment l’Hadopi peine à faire l’unanimité, les détracteurs ou pourfendeurs de la Haute Autorité, comme les défenseurs ne manquant pas une occasion de se positionner. Récemment, Frédéric Mitterrand exprimait son incompréhension face aux déclarations des candidats de gauche qui envisagent l’abrogation de la loi : « C’est une folie au moment où les États-Unis, état libéral s’il en est, sont en train de créer leur propre système Hadopi puisqu’il y a eu un accord signé la semaine dernière entre les principaux fournisseurs d’accès internet et les syndicats de créateurs. J’étais avec les cinéastes américains il y a deux mois et je peux vous dire qu’ils étaient tous pro-Hadopi, et en train de suivre avec beaucoup d’attention ce qu’on est en train de faire. C’est pareil en Espagne, c’est pareil en Angleterre. Alors au moment où le système Hadopi est en train d’être repris par tout le monde, je trouve que c’est vraiment totalement absurde. Hadopi est considérée comme une avancée considérable dans la protection des droits. ». Dans le même temps, le gouvernement œuvre actuellement auprès de la Commission européenne afin d’étendre les capacités de contrôle, de filtrage, de sécurisation et de sanctions à l’égard du réseau.
En parallèle, invitée du Grand Rendez-vous d’Europe 1, Martine Aubry (candidate aux primaires du PS) réaffirme son opposition à la riposte graduée, y préférant le principe d’une licence globale : « J’ai toujours été contre Hadopi. J’avais dit que c’était inefficace, parce qu’on avait déjà les moyens de contourner, et que cela avait l’effet catastrophique d’opposer les jeunes et les créateurs. Ce sont des sanctions pénales pour des gens qui veulent tout simplement avoir accès à l’art, je trouve cela effrayant ». Reste qu’il n’est pas question pour autant de tourner le dos aux artistes, la candidate proposant la mise en place d’une « contribution de l’ordre de 2 € – à discuter – qui sera payée en même temps que l’abonnement à Internet ».Cette idée n’est pas nouvelle, et elle est partagée par François Hollande qui affirme qu’elle permettrait « de dégager jusqu’à 1 milliard d’euros annuels pour rémunérer le droit d’auteur ». Dans les deux cas, cette disposition entraînerait la suppression de l’Hadopi.
Si beaucoup ne voient dans ces joutes oratoires que des postures politiques à l’approche des élections, il n’en reste pas moins que l’Hadopi n’a pas encore présenté de bilan concluant et définitif (à même de soutenir et de justifier son existence), et que le dossier des opposants ne cesse de grossir. A l’image du récent cas de Robert Tollot, un professeur de sciences économiques et sociales en lycée, qui vient de recevoir un troisième avertissement pour téléchargement illégal. Il est soupçonné d’avoir récupérer des fichiers musicaux (David Guetta et Rihanna), et le film Iron Man 2, ce dernier alors qu’il était en classe. Pour l’heure, monsieur Tollot explique ne pas avoir téléchargé quoique ce soit, ne pas s’intéresser à la chose, et être victime d’une utilisation frauduleuse de son accès. Il a décidé de se rendre « à ses frais » à Paris afin d’exposer son cas face à la Haute Autorité qui se refuse à tout commentaire pour l’instant.
Si nous nous garderons bien d’émettre le moindre jugement ou avis définitif sur ce cas précis, la présomption d’innocence devant prévaloir dans tous les cas, il est clair que l’Hadopi est toujours au cœur d’un vif débat et qu’il faudra, quoiqu’il advienne lors des prochaines élections présidentielles, envisager une approche informative différente. Dans tous les cas, les auteurs doivent percevoir leurs droits, mais à quel prix et dans quelles conditions ? La question semble être toujours sans réponse…