Partager la publication "Kerbal Space Program 1.0 : vers l’infini et au-delà, mais pas trop vite"
Qui aurait pu croire un seul instant qu’un jeu tel que Kerbal Space Program serait une réussite mondiale ? Un éditeur inconnu, un titre sans trame scénaristique, une difficulté incroyable, des graphismes franchement pas géniaux pour accéder à l’engouement général des joueurs ? Mission impossible. Et pourtant…
Est-ce que ce sont les petits bonhommes rigolos en bas de l’écran qui ont fait craquer les joueurs ? Le challenge ultra relevé – plutôt rare dans les jeux ces temps-ci – qui a permis un tel succès ? Difficile à dire. Une chose est sure : au bout d’un développement de quatre ans, les membres de Squad, développeur mexicain, vous font croire que l’humanité n’est pas totalement pourrie. Je ne sais pas si ce test est celui d’un jeu, d’un éducatif mais j’ai franchement l’impression d’être plus instruit après avoir réussi mes premiers vols dans Kerbal. Mais ça prend du temps, un temps fou, avant de réussir le moindre truc.
La loi de Murphy à l’honneur…
Aucun autre jeu n’a rendu autant les honneurs au la maxime d’Edward Murphy (« S’il y a plusieurs façons de faire quelque chose et que l’une d’entre elles conduit à un désastre, quelqu’un se débrouillera pour la faire de cette façon », la variante complexe de « Si cela peut se passer mal, ça se passera mal »). C’est une boucle qui est bouclée car le Murphy en question bossait à la fin des années 40 pour l’US Air Force, sur des travaux de décélération.
Les premiers problèmes peuvent arriver très vite, dès la fusée la plus élémentaire, même pas une de celle que l’on veut mettre sur orbite. Pas assez de puissance au décollage et voilà que cet ensemble si aérodynamique retombe sur le pas de tir après une élévation de quelques mètres. Une légère variation d’angle au départ et voici des milliers de tonnes de carburant qui font un 180° pour exploser au sol… Et ça, c’est vraiment le B.A.ba. Imaginez un petit instant que le but du jeu soit de mettre un satellite en orbite de se poser sur une lune de Kerbin (la planète d’origine du jeu). Là, ce sont d’innombrables contraintes supplémentaires qui vont vite arriver. Parmi les premières, il convient de connaitre parfaitement tout le matériel à sa disposition : la puissance des moteurs, le séquençage du vol, l’angle d’entrée dans les couches supérieures de l’atmosphère, la recherche de l’angle de la mise en orbite, la recherche de l’apside (bon, plutôt que vous expliquer, je vous file le lien wikipedia. L’idée n’est pas de vous dégouter, c’est absolument passionnant mais ça vous montre quand même le principe du jeu, assez exigeant). Plus vous maitrisez les choses, plus les challenges sont d’une complexité incroyable. Vous pourrez revivre tous les problèmes auxquels se sont, à un moment ou un autre, confrontés les ingénieurs de la NASA. Et pour chaque étape, des dizaines de tentatives seront là que vous rappeler que Murphy était là. Admettons que vous maitrisiez parfaitement la mise en orbite, que vous fassiez cela en trois pressions de touches. Et si… Vous mettiez deux capsules en orbite, côte à côte, avec tous les calculs que cela implique. Et si vous amarriez ces objets volants identifiés ? Et si vous faisiez quelques orbites autour des planètes du secteur, que vous jouiez les colons en vous posant dessus et même, défi ultime, si vous décidiez de faire revenir vos astronautes sur Kerbin ? Voici quelques-uns des défis les plus velus de Kerbal. Avant d’en arriver là, la pente est savonneuse, les essais nombreux.
Murphy superstar
Mais franchement, ces essais, des foirades monumentales font partie du charme du jeu. Ça explose, souvent, ça dévie de la trajectoire, énormément et parfois, on a vraiment des choses inattendues. Dans Kerbal, on ne construit pas que des fusées mais aussi des avions ou des navettes. Je dois vous avouer que mes connaissances en aéronautiques sont plutôt médiocres et tant mieux ; je ne me serai pas marrer autant si j’avais été concepteur rigoureux. J’ai tout d’abord commencé par un avion sans roues qui a cependant décollé, à ma grande surprise. Pas longtemps et pas très droit, vu qu’il n’avait pas d’ailes non plus. J’avais tout misé sur la puissance. Histoire d’être plus sérieux, j’ai mis des roues mais pour faire dans le spectaculaire, j’ai ajouté un tronçon pour obtenir un avion plus long. Vu qu’il avait des pneus, je me suis dit qu’il pouvait tout de même faire l’effort d’embarquer plus de trucs. Là, l’avion ne supportait pas son propre poids et s’effondrait sur le tarmac. J’ai allégé mais ne me suis absolument pas occupé du centre de gravité. En le déployant, il était sur ses deux roues arrière. Je me suis dit que ça faciliterait le décollage. Erreur grave. Au bout de quelques mètres, l’avion souffrait d’une légère avarie due à sa conception générale et se disloquait complètement. Lors des essais, il y eu un décollage, enfin, une tentative de décollage pour être précis ou une explosion avait totalement détruit le corps de l’appareil. Seule les quatre roues avançaient en bout de piste. Ne lâchant pas l’affaire et ayant constaté que les pneus étaient la partie sur laquelle on pouvait compter, j’ai commencé un autre avion en articulant tout le développement autour des pneus. Mais je n’ai réussi qu’à créer des explosions dans tout le complexe aérospatial. Pas très productif mais amusant.
Je vous avoue que j’étais en mode bac à sable pour ces premiers essais. Dans ce type de partie, on a toutes les pièces du jeu à disposition. C’est donc sur une sorte de Lego complexe que l’on joue. Mais il y a plus difficile. Deux modes réalistes donnent vraiment du piment à la chose. Dans le premier, on gère son niveau de science. Petit à petit, au fur et à mesure des réussites, on trouve de nouvelles pièces. Je conseille vivement ce mode. En effet, il permet de découvrir chaque partie des fusées ou des avions une à une et de les apprécier toutes à leur juste valeur. Vient ensuite le mode hardcore où non seulement on doit gérer son niveau de science mais également l’économie, les sponsors, la réputation. Là, en gros, il est exclu de faire la moindre erreur sous peine de faillite. Avant même de lancer le moindre vol, c’est déjà compliqué.
Ce qui pourra faire tiquer certains, ce sont les graphismes. Les amateurs de pixels tirés à quatre épingles qui viennent d’investir dans un PC à 2.000 balles pour jouer décemment aux productions Ubisoft, au hasard, et à GTA vont peut-être faire la grimace. On ne va pas se mentir, c’’est assez moche. Bien que l’on trouve de nombreux mods enrichissant un peu les choses, on est quand même dans un développement vieux de quatre ans. Mais je crois que le temps de développement et l’année de sortie n’y sont pour rien. Kerbal aurait été exactement le même dans 10 ans. C’est épuré, ça va directement à l’’essentiel, on n’en demandait pas d’avantage. Et je pense que des graphismes haut de gamme, nécessitant un système 64 bits, n’auraient pas été une plus-value. Celui qui fait l’effort de monter dans le vaisseau Kerbal ne recherche absolument pas une claque graphique mais la satisfaction d’avoir déjoué un problème d’angle pour une mise en orbite ou de quantité de carburant pour un aller-retour sur une planète lointaine.
Je viens de vous parler des mods. C’est tout de même un signe qui ne trompe pas pour prendre la température du succès d’un jeu. Au moment où j’écris ces lignes, ce sont 486 mods différents qui sont disponibles sur Curse.com pour enrichir ou compléter KSP. Il en existe de très nombreuses sortes, histoire de simplifier la vie du joueur qui de toute façon en a vraiment besoin, du moins au début. Ces simplifications peuvent se présenter sous forme d’un changement d’interface comme le Docking Port Alignment ou de nouveaux composants pour fusée, les Part Packs. Je vous conseille cependant de jouer quelques semaines façon old school, avec uniquement les outils prévu au départ par le jeu, ne serait-ce que pour profiter de ce qu’apporte chaque add-on.
Kerbal Space Program 1.0 : en conclusion
Kerbal, c’est clairement le jeu qui restera installé des années sur le PC. Parce que les nouveautés vont inévitablement pleuvoir régulièrement que ce soit grâce au contenu de l’éditeur ou au travail de la communauté. Le thème de la conquête spatiale a toujours fasciné. Là, on plonge dedans non pas du point de vue de Chuck Yeager, d’Alan Shepard ou de John Glenn, pour ceux qui ont vu L’étoffe des héros, mais du point de vue de l’ingénieur. Un point de vue rare auquel personne ne s’était adressé depuis Minecraft.