Un retour des jeux mythiques de Cobrasoft ?

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Qu’est-ce qui fait qu’un individu, qui a commencé les jeux vidéo disons à 10 ans, continue de jouer après 40 ? Je ne suis pas psychanalyste mais je pense que c’est parce qu’il a eu pris suffisamment de claques vidéo ludiques dans son passé de joueur qu’il cherche à les reproduire. Il faut donc avoir essayé suffisamment de jeux de qualité pour tenter inlassablement de retrouver les mêmes émotions. Ça commence très tôt.

Je pense sans trop me tromper pouvoir situer ce qui m’a marqué. Il s’agit des jeux Cobrasoft. Un Facebook a ouvert, il n’y a pas tellement longtemps, ici.

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Bon, alors, je vous préviens de suite, je vous parle d’un temps que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaitre.

J’ai toujours eu une affection particulière pour les enquêtes policières, de l’affaire Sydney jusqu’aux ARG de Viennot. Une série de jeux a pourtant été très différente, dans les années 80. Ils ont marqué tous ceux qui les ont essayés. Il s’agit de la série des « Meurtres » de Cobrasoft. Là, vous allez me dire : quoi de plus banal qu’une enquête policière. Je ne vous le fais pas dire. En quoi ces jeux ont pu se démarquer de dizaines d’autres, tout aussi bien écrits ?

Là, je vais vous surprendre en vous répondant : le packaging. Et tout ce qu’il contenait. Je vais prendre l’exemple de « Meurtres en série » parce que c’est à mon avis le plus spectaculaire.

Le jeu sort en 1987 ; dans les boutiques, les jeux ne sont pas vendus dans des boites de même format, en boitier DVD. Chaque éditeur y va de son format, de sa fantaisie. Cobrasoft, c’est vraiment spécial. La disquette de Meurtres en série se trouve dans une boite euh… en bois, une sorte de petite caisse qui d’un simple coup d’œil semble très mystérieuse. En ouvrant, on découvre un énorme bordel : des messages griffonnés sur des morceaux de papier déchirés, des lettres, un schéma électrique, une photo de nazis, le schéma d’une carte, un composant électronique, une tablette d’argile un (faux, ouf) bâton de dynamite…

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Le joueur est un détective qui intervient sur l’île de Sark (la plus petite des îles franco britanniques) où un meurtre vient d’être commis. Le temps joue contre lui : chacun de ses pas fait avancer l’horloge et il n’a quelques heures pour comprendre les intentions des protagonistes, trouver les assassins, comprendre tout ce qui se passe sur Sark. On parle de trésor, de secrets en tout genre. Voilà comment ça se passe : à certaines heures, des personnages apparaissent à certains endroits. Parfois, un indice est au même endroit. L’indice en question est évidemment un des documents ou un des objets de la boite. Inévitablement, on relie l’objet au personnage, surtout si l’indice n’est plus là après son passage. Pour bien comprendre ce qui se passe sur Sark, il faut presque faire une session de jeu en se consacrant à chaque personnage, avoir un cahier pour comprendre ce qui relie chaque protagoniste, noter les emplacements des indices, fouiller l’île de fond en comble. Il faut bien comprendre que rien n’est figé. Les gens se déplacent et leurs déplacements ne sont pas forcément des indices mais de solides indications.

Mais le plus incroyable, ça a été la tablette d’argile, évoquée plus haut. Dessus, une inscription, dans un alphabet incompréhensible. Je tournais en rond, j’étais bloqué. J’avais décidé de tout réexaminer, tous les indices. Cette tablette était étrange. Mais surtout, je me demandais vraiment pourquoi les gens qui avaient fait le jeu s’étaient pris la tête à nous coller un tel objet, assez lourd pour un petit message. Une retranscription sur papier n’aurait-elle pas été plus simple. J’ai donc tourné le machin dans tous les sens ; la tablette devait faire environ un centimètre d’épaisseur. Et j’ai remarqué ce liseré, imperceptible qui courrait tout le long de la tablette. Sans trop y croire, j’ai pris un cutter pour entailler cette excroissance ; ça n’a pas pris longtemps. La tablette d’argile était composée de deux blocs et entre ces deux parties, un message. Je ne peux vous décrire la jubilation que j’ai vécue à ce moment-là, j’avais trouvé le Graal, l’arche d’Alliance, l’Atlantide, mes clés de bagnole…

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Ça a été ma première claque ludique, une tablette d’argile. Je souhaite à tout le monde de vivre ça. Ça a été tellement fort que quelques années plus tard, mon premier voyage avec ma femme a été sur l’île de Sark. Elle a du me prendre pour un taré quand je lui ai dit que c’était parce que je connaissais par un jeu vidéo mais bon, ça pose un bonhomme et elle n’a guère été surprise quand j’ai ramené mon matos informatique chez elle.

Donc Cobrasoft, revenons à nos moutons. Bien évidemment, dès que j’ai vu qu’il existait un Facebook, je me suis de suite inscrit pour partager cette expérience avec les joueurs de l’époque, la tablette d’argile (et la pellicule photo de Meurtres à Venise !). Derrière le pseudo « Cobrasoft », je suis à peu près persuadé que se cache un des principaux auteurs, peut-être même Bertrand Brocard. C’est avec une grande nostalgie que je me demandais s’il était possible de proposer, d’une façon ou d’une autre, ces jeux méticuleusement écrits sur tablette, par exemple. Un message n’a pas tardé à apparaitre :

[…]Pour le reste… j’y pense fortement. Le concept est prêt depuis 2003 et n’a même pas besoin de tablette ! Même si elles seront très utiles… Il a besoin de gens motivés pour m’aider !

Vous n’imaginez pas à quel ces quelques mots m’ont ému. J’imagine difficilement qu’on vive exactement la même expérience. Après, il faut savoir ce que l’on attend des jeux vidéo. La même expérience FPS d’année en année, des jeux qui n’ont de gratuit que le nom, les mêmes concepts raclés jusqu’au sang, des titres morcelés à grand coup de DLC qui permettent aux éditeurs de doubler le prix d’un jeu ou quelque chose de rare, précieux, inédit ? Cette préciosité a un coût, naturellement ; pour ma part, une telle expérience à 100 euros ne me dérangerait absolument pas. J’espère ne pas être le seul.

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