Peut-on vraiment faire de la Photographie sur Smartphone ?

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La photo sur Smartphone, est-ce encore vraiment de la Photo avec un grand P celle qui vous fait vibrer, qui véhicule une émotion quand on la regarde ? A contempler le volume de photo de chats faussement vintage et de chaussures de blogueuses mode avec les pieds en dedans, on a envie de dire que non… et pourtant…

Alors qu’il se vendra 115M d’appareils photos numérique dans le monde, les ventes de smartphones explosent à plus de 600M d’unités. Et si les jeunes amateurs de connectivité ne s’en plaindront pas, dans le milieu feutré, pour ne pas dire poussiéreux, d’une certaine tradition photographique, on se moque ouvertement des possibilités photographiques offertes par ces petits appareils portables. Ce sont sans doutes les mêmes qui estimaient à une certaine époque que le numérique était juste bon à photographier l’anniversaire de mémé ou la communion du petit dernier. Car évidemment, jamais on ne pourrait faire de la photographie d’art avec un numérique, voyons, cela n’a pas de sens.

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Le fait est que la Photographie est un monde d’a priori, où il ne fait pas bon faire bouger les lignes. Il n’y a qu’à se balader dans les allées du salon Photokina pour s’en rendre compte. On y croise ces journalistes qui « couvrent » l’événement en treillis avec un téléobjectif monstrueux, façon reporter de guerre. Ils exhibent leur matériel comme un culturiste ses pectoraux. Il y a aussi ces stands étrangement vides, alors qu’on y trouve des appareils photos derniers cris. En effet, dans le domaine de la Photo avec un grand P, on n’entre pas comme ça. Il vaut mieux s’appeler Hasselblad ou Leica que Samsung par exemple, dont le stand était tristement désert malgré quelques appareils diablement intéressants comme le Samsung Galaxy Camera par exemple. Alors quand certains disent ouvertement qu’ils font de la Photo, de la vraie, avec leur téléphone portable, ces spécialistes sourient… mais quand Damon Winter, Photo-reporter au New-York Times gagne le troisième prix du concours International Picture of the Year avec une photo Hipstamatic prise avec un iPhone… les sourires se crispent. Et si l’avenir de la Photographie passait par le mobile ? Certains s’y opposent, arguant que Damon a surfé sur l’effet de mode, mettant en évidence l’impact du filtre applicatif hipstamatic sur le rendu photographique, un point de vue un brin hypocrite quand chacun sait que le choix de telle ou telle pellicule photographique faisait partie des libertés artistiques du photographe à une époque.

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Photojournalisme : l’Art de la guerre

Un des grands intérêts photographique du Smartphone reste l’étonnante banalité de l’outil, qui permet au photographe de passer inaperçu, de prendre des clichés discrets du quotidien sans susciter la crainte ou l’aversion en dégainant par exemple un impressionnant reflex numérique professionnel. Les clichés obtenus ne sont pas les mêmes, plus intimes, proches de la photo volée, et c’est ce qui intéresse évidemment les photographes comme Damon Winter lorsqu’ils couvrent le déploiement d’un bataillon d’infanterie en Afghanistan. Et il n’est pas le seul d’ailleurs à s’essayer au genre. En 2010 déjà, David Guttenfelder d’Associated Press publiait une série de clichés intitulés « Depth of Field : Afghanistan », pris avec un iPhone et traités avec un filtre rappelant les effets rétro du vieillissant Polaroïd.

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Là aussi, la réaction de la communauté ne s’est pas fait attendre, dénonçant parfois l’esthétisation de la guerre et sa banalisation par la photographie. Il est vrai qu’à l’ordinaire, ces filtres « fun » dont le plus populaire reste le très social Instagram servent surtout à abreuver le web en portraits de miaou et autres photos de bouffe. Il va d’ailleurs falloir arrêter maintenant, hein, la photo de votre assiette, c’est « so 2010 ». Mais là encore, la trivialité d’un cliché, filtré ou non, n’est pourtant pas synonyme d’absence de toute volonté artistique. Les travaux d’un photographe comme Eggleston, qui immortalisa de nombreuses scènes et objets du quotidien, font figure de référence aujourd’hui. Pourtant, lors de son exposition au MoMa en 1976, les critiques n’hésitaient pas à titrer « The most hated show of the year. ». Verra-t-on dans 10, 20 ans certains clichés Instagram comme de véritables icones de la photographie ? C’est bien possible. Et d’ailleurs, le changement de politique crypto-commerciale d’Instagram montre bien que la société y voit un véritable intérêt artistico-financier. On assiste aujourd’hui dans le domaine de la photo à une course à l’armement technologique chez les amateurs qui n’est pas sans rappeler la HiFi des années 80, où l’on bardait son salon d’équipement stéréo de pointe, en validant leur performances grâce à des disques de démo technique, oubliant presque par là même que la Hi-Fi… c’est surtout une question de musique !

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Aujourd’hui, dans la photo, on en est là. On comprend bien la frustration qu’il peut y avoir à mettre 5.000 euros dans son équipement photo pour sortir des images médiocres, alors que pendant ce temps on prime un cliché pris avec une application Smartphone à 1.59 euros. Mais l’appareil photo ne fait pas le photographe. Remplir son disque dur de milliers de photos dans l’espoir de les trier un jour pour en tirer une de bonne n’a jamais remplacé un cadrage soigné et oui, on peut faire des photos médiocres avec l’appareil le plus cher du marché. En filigrane de la polémique, ce sont bien deux conceptions de la photographie qui s’affrontent : faut-il ou non intégrer le progrès technologique en termes de qualité d’image dans les exigences photographiques ? Si tel est le cas, alors à l’évidence, les Smartphones n’ont rien à faire dans la Photographie.

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Des smartphones techniquement médiocres

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Il faut bien avouer que techniquement, les appareils photos intégrés sur les Smartphones sont d’une médiocrité sans nom. Leur optique en plastique est mauvaise, leur capteur est généralement peu sensible et les images en basse luminosité présentent généralement un grain gros comme le poing. Et c’est sans même évoquer les soucis d’éblouissement en contre-jour ou le rendu parfois douteux des tons chair. Vraiment, le Smartphone est un pis-aller photographique, techniquement parlant. Certes, les constructeurs font des efforts. La section photos des derniers iPhone 4S et iPhone 5 notamment présentent des qualités photographiques remarquables, comme on peut le voir par exemple sur les quelques clichés qui illustrent ce dossier. On a également dit le plus grand bien du Nokia Lumia 920 en la matière.

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Et d’ailleurs, l’optique du 4S marque un tournant du point de vue technologique, avec l’intégration d’un filtre proche-infrarouge permettant d’améliorer la colorimétrie globale des fichiers tout en limitant la diaphonie. Nokia va beaucoup plus loin avec un modèle 808 PureView qui tient plus de l’appareil photo que du téléphone et d’ailleurs, on aura raison de l’utiliser pour cela, mais il n’empêche, on est encore loin du rendu d’un compact d’un bon niveau. Ovni dans l’univers de la téléphonie mobile, il est bien difficile de savoir ce qui a bien pu pousser Nokia à intégrer dans ce smartphone un appareil photo… de 41 Mpixels ! En soi, cette résolution brute est complètement inutile, mais le constructeur se sert surtout de la multitude de pixels pour réduire le bruit et améliorer les performances en basse lumière pour au final délivrer des images 8 Mpixels de très bonne tenue.

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L’optique Zeiss est tout aussi impressionnante avec une ouverture à f/2,4, un vrai obturateur mécanique… et une mise au point motorisée ! On peut donc travailler à volonté sur la profondeur de champ. Les résultats sont très impressionnants. Dommage en revanche que Nokia ait parié sur le vieillissant Symbian comme système d’exploitation. Un bon photophone donc, mais pas si « smart » que cela.

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Ce sont ceux qui en parlent le moins…

Seulement voilà, il ne suffit pas qu’une photo soit techniquement parfaite pour qu’elle soit bonne. Que dire par exemple des photos de Robert Capa, référence s’il en est dans le photojournalisme, prises lors du débarquement à Omaha Beach ? Techniquement, ces photos sont granuleuses au possible, certaines présentent un flou de bougé aussi impressionnant que compréhensible compte tenu des conditions extrême de prise de vue. Oserait-on aujourd’hui dire que ce n’est pas de la Photographie parce que l’image n’est pas techniquement au point ? Peut-on dès lors sur les mêmes bases nier toute valeur artistique à certains clichés pris avec un Smartphone ? Voilà qui semble bien difficile. Soyons franc, le choix de votre matériel photographique, tout le monde s’en fout. Votre choix, personnel d’un appareil photo ou d’un Smartphone pour composer votre vision de la Photographie n’intéressera personne, de même que la marque de la machine à écrire de Boris Vian.

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Les Plus

  • Bien fini
  • Bonne prise en main
  • Bel écran

Les Moins

  • Surcouche Android inutile
  • Perte des services Google
  • Boutons difficiles à trouver

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